C'est lors d'un cours de laboratoire donné à des étudiants de premier cycle que l'équipe de microbiologistes a flairé quelque chose de louche. L'expérience visait à comparer l'efficacité de différents produits pour le lavage de mains. À la surprise de tous, les étudiants qui s'étaient lavé les mains avec de l'eau et du savon affichaient des décomptes bactériens très élevés. En fait, ils étaient plus élevés après le lavage qu'avant! C'est à ce moment que les soupçons ont porté sur le papier essuie-main.
Afin d'établir s'il s'agissait d'un problème répandu, Louis McCusky Gendron, Luc Trudel, Sylvain Moineau et Caroline Duchaine ont testé six marques commerciales. Leurs résultats, qui viennent de paraître dans l'American Journal of Infection Control, montrent que les marques testées contiennent au minimum entre 100 et 100 000 bactéries vivantes par gramme de papier. Ces bactéries peuvent être transférées du papier aux mains, ont montré les tests effectués par les chercheurs. Une espèce trouvée dans l'une des marques de papier a déjà été associée à des intoxications alimentaires.
La contamination bactérienne semble particulièrement criante du côté du papier fait de fibres recyclées: les concentrations bactériennes y sont de 100 à 1000 fois plus élevées que dans le papier ordinaire. On ignore pour l'instant si la contamination bactérienne est due aux matières premières utilisées, à l'équipement de fabrication ou à la méthode de blanchiment.
Les chercheurs ne veulent pas ameuter inutilement la population, mais ils espèrent tout de même attirer l'attention sur cette source de contamination. «Il faudrait éviter d'utiliser le papier essuie-main recyclé dans des environnements qui nécessitent un contrôle strict des populations microbiennes, comme les laboratoires de microbiologie, souligne Sylvain Moineau. Il faudrait aussi éviter que des personnes malades ou fragilisées en fassent usage.»