
Le commentateur de hockey Don Cherry: le discours fleuri d'une icône du Canada anglais.
La linguiste, qui a longtemps travaillé sur la logorrhée verbale de l’animateur radiophonique Jeff Fillion, est bien placée pour savoir que «toute parole est porteuse de conséquences puisqu’elle agit sur le locuteur». Lors de la dernière session, ses étudiants ont travaillé notamment sur le rapport entre un acte de langage et les jugements qu’il génère, un rapport souvent révélateur des normes sociales en vigueur. Exemple probant que celui choisi par Andrea Spencer: cette étudiante a décortiqué un des commentaires de Don Cherry fait fin janvier 2004. À cette époque, le très coloré et controversé commentateur de hockey à la CBC s’indignait de l’obligation pour les joueurs de porter une visière. Une règle qui, selon lui, encourageait les participants à user de leur bâton levé. Dans ses propos, Don Cherry faisait valoir que les joueurs «français» et européens avaient plus recours à la visière.
L’utilisation du mot «français» a poussé Andrea Spencer à s’interroger sur ce qui se cachait derrière ce terme. Ses outils? Un corpus de 20 000 mots dans les médias tirés des commentaires et articles suscités par la déclaration de l’analyste de hockey. Selon Andrea Spencer, le recours au terme «français» réfère en fait aux francophones et plus particulièrement aux Québécois. Dans son corpus, elle a dénombré 13 façons de nommer les citoyens de la province. Fait intéressant à souligner, du côté anglais le néologisme «Quebecker» ou «Quebecer» semble d’usage plutôt rare. Les anglophones préfèrent parler des «Canadiens français» ou parfois même des «Frenchies». Détail amusant, l’étudiante a trouvé plusieurs vidéos sur Internet tournées par des Québécois qui se qualifiaient eux-mêmes de «Frenchies» pour mieux se moquer des stéréotypes ethniques. Toutes ces appellations montreraient que l’usage de certains mots permet à un peuple de se définir dans un groupe pour mieux s’inclure dans une nation, ou encore s’en différencier.
Autre vision, celle de Nabila Kadri qui a examiné les commentaires suscités par l’affrontement entre Brice Hortefeux, le ministre français de l’Intérieur, et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP). L’histoire a démarré en septembre 2009 à la suite d’une remarque de ce député de l’UMP, le parti de Sarkozy, faite en public à un jeune militant d’origine algéro-portugaise par ailleurs né en France. Sur le ton de la plaisanterie, le ministre avait remarqué: «Un Arabe ça va, mais quand il y a en beaucoup ça pose problème». Indigné, le MRAP a attaqué en justice Hortefeux et l’a fait condamner pour propos raciste. En analysant les pro-ministre et les anti-ministre, l’étudiante a fait une découverte qui l’a étonnée. Les commentaires contenaient très peu d’arguments pour réfuter le discours raciste tenu par le titulaire du ministère de l’Intérieur. Il semble en effet que même ceux s’affichant comme antiracistes avaient tendance à user de propos tendancieux, illogiques ou à tomber dans les amalgames. Comme quoi, le mieux est parfois l’ennemi du bien!