
Salvador Dali, L'Ascension du Christ, 1958, huile sur toile, Collection Pèrez Simon-Fundacion JAPS
— Studio Sébert
Une palette vibrante
«En traitant du thème de la crucifixion, Dali rejoint bien des peintres espagnols qui ont eux aussi peint le Christ en croix, par exemple Goya et Murillo, dit Françoise Lucbert. La façon de peindre diffère, mais le thème est le même. Aussi, quand on songe à Guernica, célèbre toile de Picasso peinte en 1937 durant la guerre civile espagnole au cours de laquelle le village de Guernica a été bombardé et qui est exposée à Madrid depuis 1992, on imagine très bien que Picasso avait en tête certaines toiles de Goya traitant de la guerre ou de la révolte des Espagnols à la suite d’un conflit. Picasso poursuit le travail de Goya, en quelque sorte. Tous les deux dénoncent la brutalité humaine et sont critiques de la société de leur temps.» Même si un seul Goya est exposé au Musée national des beaux-arts du Québec, Françoise Lucbert estime que ce portrait de Maria Teresa de Borbon y Vallabriga (1783) témoigne bien du travail de l’artiste. «Portraitiste de la cour, peintre d’histoire, Goya peignait d’une façon académique, mais il était aussi d’une modernité extraordinaire, explique-t-elle. Il fait aussi preuve d’une grande acuité dans ses portraits.»
Que dire de Joaquin Soralla (1863-1923) considéré comme le plus puissant des peintres de plein air espagnols? «On voit que Soralla a été tout à fait séduit par les impressionnistes français, constate Françoise Lucbert. Sa palette est vibrante. Ses études de lumière représentent la vie quotidienne des gens de son temps comme le retour des pêcheurs le soir et les baignades d’enfants.» Et Picasso qui révolutionna l’art de peindre au 20e siècle? «À 13 ans, je dessinais comme Raphaël, disait-il. Mais cela m’a pris toute ma vie à savoir dessiner comme un enfant.» Reconnaissable entre tous, Picasso a le trait incisif et la main sûre de celui qui ne cherche pas mais qui trouve, comme il se plaisait à le dire lui-même.
Qu’ont en commun Goya, Soralla, Picasso et Dali? Tous, à leur manière, réinterprètent la vie. Tous possèdent un pinceau béni des dieux. Goya préfigure la modernité tandis que Soralla impressionne par la lumière solaire qui illumine ses œuvres. Si Picasso montre la face cachée des choses, Dali met en scène ses rêves et ses fantasmes au moyen de compositions étranges qui nous font basculer dans un autre monde. «On a dit de Dali qu’il était trop classique pour être moderne et trop moderne pour être classique, note Françoise Lucbert. Comme Goya, Soralla et Picasso, il nous ouvre les portes d’un autre univers.»