
La présence de petites surfaces exemptes de neige à la surface des haldes d'amiante a mis la puce à l'oreille des chercheurs de la Faculté des sciences et de génie.
— Julie Pronost
Le professeur Beaudoin et ses collaborateurs ont découvert, à la surface des haldes, des «évents» par où s'échappe de l'air chaud renfermant des teneurs réduites en CO2. Des échantillons d'air prélevés à la sortie de ces évents indiquent que la concentration en CO2 y descend à 235 ppm en été et à 10 ppm en hiver, soit nettement sous les 390 ppm de l'air ambiant. Des relevés effectués entre mars 2009 et juillet 2010 montrent également que la température de l'air à la sortie de ces évents reste toujours au-dessus de 7 degrés Celsius même lorsque la température ambiante plonge résolument sous zéro. «Le dioxyde de carbone contenu dans l'air qui circule dans la halde réagit avec le magnésium des résidus et y reste immobilisé, explique Georges Beaudoin. Cette réaction dégage de la chaleur et c'est pourquoi l'air qui s'échappe en surface est chaud.» C'est d'ailleurs la présence de petites surfaces exemptes de neige à la surface des haldes qui a mis les chercheurs sur la piste de ces évents.
Il s'agirait là de la première preuve que le carbone de l'air est séquestré en profondeur dans les haldes d'amiante. En 2005, Rémi Fiola, un étudiant-chercheur membre de l'équipe du professeur Beaudoin, avait calculé que les parcs à résidus miniers du sud du Québec avaient séquestré naturellement près de 1,8 million de tonnes de CO2 depuis un siècle. Ce chiffre ne représentait toutefois qu'une partie du potentiel de séquestration de ces résidus puisqu'il ne tenait compte que des réactions se produisant en surface. Pour établir le plein potentiel de cette filière, il fallait déterminer jusqu'à quelle profondeur de la halde et avec quelle efficacité se produit la réaction entre le magnésium et le dioxyde de carbone.
À l'aide des données récoltées à la sortie des évents, les chercheurs ont calculé que, pendant l'hiver, la halde de Black Lake séquestre quotidiennement jusqu'à 0,45 kg de CO2 par mètre carré d'évent. Si tous les résidus contenus dans cette halde réagissaient avec l'air, 40 millions de tonnes de dioxyde de carbone seraient séquestrés à jamais. En extrapolant ce chiffre aux deux milliards de tonnes de résidus d'amiante du Québec, le potentiel théorique de captation atteint environ 600 millions de tonnes de CO2, soit l'équivalent des émissions de gaz à effet de serre de tout le Québec pendant plus de six ans. «Ça ne change pas radicalement le bilan carbone du Québec, mais c'est autant de CO2 qui est retiré de l'atmosphère de façon passive sans qu'il en coûte un sou», fait valoir le professeur Beaudoin.
Julie Pronost, Réjean Hébert, Marc Constantin, Josée Duchesne, Jean-Michel Lemieux, John Molson, du Département de géologie et de génie géologique, Faiçal Larachi, du Département de génie chimique, Matthieu Klein, du Département de génie électrique et de génie informatique, et Simon Marcouiller, du ministère des Ressources naturelles et de la Faune, ont collaboré à cette recherche.