Le prix Acfas–Adrien-Pouliot 2010 pour la coopération scientifique avec la France a été décerné jeudi dernier à Jean-Pierre Després, professeur au Département de médecine sociale et préventive et directeur de la recherche en cardiologie au Centre de recherche de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec. L'Acfas veut ainsi souligner les répercussions des recherches sur l'obésité menées par le lauréat ainsi que sa collaboration scientifique avec la France. «Ses découvertes ont révolutionné les pratiques médicales relatives au traitement de l’obésité, et ce, tant du point de vue de la prévention, du diagnostic que des approches pharmaceutiques. Ses collaborations avec les laboratoires français Sanofi-Aventis et Servier ont ouvert la voie à des traitements médicamenteux de l'obésité. Alors que l’obésité est aujourd’hui considérée comme l’épidémie du 21e siècle, le chercheur est à l’origine d’avancées scientifiques remarquables dans ce domaine.»
Le professeur Després est surtout réputé pour ses travaux qui ont établi un lien entre l’obésité viscérale, le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires. Cette découverte a permis l'adoption de nouveaux outils de diagnostic, facilement applicables par le personnel médical, comme la mesure du tour de taille et du taux de triglycérides. Cette approche permet de déceler 80 % des personnes avec obésité viscérale qui sont à risque. La démarche du scientifique est transdisciplinaire et dépasse largement les données physiologiques liées à l’obésité, souligne également l'Acfas. Fervent promoteur de l’activité physique et d’une alimentation saine comme moyens de prévention, Jean-Pierre Després a aussi développé des techniques d’imagerie médicale pour la détection des facteurs de risque. Il participe aussi à la recherche de médicaments antiobésité qui ciblent la diminution du tour de taille, et non plus seulement la perte de poids.
Ses échanges avec la France se traduisent notamment par des collaborations fructueuses avec les laboratoires pharmaceutiques français Servier et Sanofi-Aventis. Ensemble, ils ont travaillé à la recherche de médicaments pour combattre l’obésité. La coopération avec Sanofi-Aventis a conduit à la publication d’un article dans le New England Journal of Medicine présentant une nouvelle cible thérapeutique pour le traitement de l’obésité viscérale. Son influence en France s’étend au-delà de l’industrie pharmaceutique, puisqu’elle concerne aussi le monde médical, les décideurs politiques et les médias. De plus, ses qualités d’orateur l’ont amené à participer à plus d’une centaine de conférences sur le territoire français, ainsi qu’à une dizaine de points de presse. Ses travaux ont eu un impact sur le livre blanc européen portant sur «les problèmes de santé liés à la nutrition, la surcharge pondérale et l'obésité»; l’obésité viscérale y est présentée comme un facteur majeur de risque cardiovasculaire. Soulignons enfin qu’il a été désigné Lauréat de l’Académie Française de Médecine en 2006, un honneur qui récompense des études originales consacrées à l’alimentation ou la nutrition.
Un autre aspect marquant de sa carrière est son souci permanent de partager ses connaissances avec la communauté scientifique comme avec le grand public. Dans cette optique, il a présidé à la création d'une plateforme éducative en ligne sur le risque cardiométabolique (www.cardiometabolic-risk.org/), un puissant outil de sensibilisation consulté par des chercheurs et des médecins de plus de 100 pays. En 2005, Jean-Pierre Després a inauguré la Chaire internationale sur le risque cardiométabolique afin de promouvoir la recherche et le transfert des connaissances dans ce domaine. Par l'entremise de cette chaire, il poursuit sa contribution à l’amélioration de la santé de la population.
Canards de bois
Y a-t-il un lien entre l’augmentation des effectifs du petit garrot et la résurgence du castor dans la forêt boréale d’Amérique du Nord? C’est l’une des questions auxquelles tente de répondre Christian Roy pendant ses études doctorales en sciences forestières. Membre de l'équipe de Steven Cumming, le doctorant étudie l’évolution des populations de canards arboricoles ainsi que les facteurs qui en expliquent les fluctuations.
La forêt boréale couvre 35 % de la superficie totale du Canada et 77 % des forêts canadiennes. Ce vaste écosystème sert de domicile à près de la moitié des oiseaux de l’Amérique du Nord. Les garrots, des canards qui nichent dans des cavités creusées dans les arbres, font partie du lot. L’intensification des activités forestières, pétrolières, minières et hydroélectriques en forêt boréale provoque la diminution du nombre et de la qualité des sites de nidification de ces oiseaux. Pourtant, malgré ces perturbations, les effectifs des deux espèces de garrots étudiées par Christian Roy ne fléchissent pas. Depuis 50 ans, la population continentale de garrots à œil d’or est restée stable, tandis que celle du petit garrot a même augmenté de manière importante.
Pour réconcilier ces observations, Christian Roy fait appel aux données de l’inventaire aérien du Waterfowl Breeding Population and Habitat Survey. Chaque année, depuis 1955, des équipages constitués d’un pilote et d’un observateur survolent des zones échantillonnées, réparties dans la plupart des provinces canadiennes et dans le Nord des États-Unis. Lors de vols effectués à 50 m d'altitude, ils dénombrent les oiseaux de chaque espèce qu'ils croisent sur leur chemin. À l'aide de ces données, l’étudiant-chercheur tente de déterminer les variables environnementales qui influencent la dynamique spatiotemporelle des populations de garrots.
Parmi les facteurs étudiés figure la remontée du castor en forêt boréale. Les barrages construits par ce mammifère inondent les terres et favorisent la création d’habitats humides propices aux oiseaux aquatiques. À l’aide de photos aériennes prises au fil des ans, Christian Roy tente d'établir une corrélation entre l'abondance des colonies de castors et les populations de garrots. Les répercussions des activités humaines sont aussi analysées. L'étudiant projette de développer un modèle permettant de prédire la répartition des habitats de canards arboricoles en milieu riverain et les effets de différents scénarios d’aménagement des lisières boisées. Ce modèle permettra de déterminer la stratégie de gestion des bordures riveraines qu'il faut adopter pour limiter les répercussions négatives sur les canards arboricoles et les castors.