
— Adriano Spiccia
Le secteur étudié par les chercheurs couvre un territoire de 67 000 km2 de forêts boréales restées à l'état sauvage jusqu'au début des années 1950. Depuis, les industries forestières, minières et pétrolières y ont progressivement installé des routes, des pipelines et des lignes de prospection sismique. Les analyses des chercheurs, publiées dans l'International Journal of Wildland Fire, montrent que plus il y a de kilomètres de routes par kilomètre carré de territoire dans une zone donnée, plus le risque qu'y survienne un feu de forêt allumé par la foudre augmente.
Cette association ne peut être expliquée par le fait que les incendies qui se déclarent près des routes sont plus souvent rapportés aux autorités. «Environ 95 % des feux que nous avons étudiés ont été détectés à partir d'une tour d'observation ou d'un avion», signale le professeur Cumming. Les chercheurs ont également écarté l'hypothèse voulant que les routes ou les structures métalliques qui se trouvent à proximité attirent la foudre. En effet, les données provenant d'un réseau de surveillance des orages indiquent une faible corrélation entre la présence de routes et les endroits où s'abat la foudre. Cette faible association rend également improbable une autre explication selon laquelle ces feux surviennent près de routes parce que celles-ci sont construites en hauteur, là où la foudre est plus susceptible de frapper.
Alors, si la foudre ne tombe pas plus souvent à proximité des routes, comment expliquer le lien qui unit les routes et les feux causés par la foudre? «Parce qu'on trouve en bordure des routes du matériel combustible, propice à l'allumage et à la propagation des feux», proposent Steven Cumming et ses collègues. Les emprises et les abords des routes seraient des milieux particulièrement hospitaliers pour les plantes herbacées, notamment des graminées qui produisent une couche de paille inflammable lorsqu'elles se dessèchent. La construction de fossés de drainage favoriserait aussi l'instauration de conditions plus sèches près des routes.
Le professeur Cumming admet que cette conclusion a été accueillie avec scepticisme par les spécialistes des feux de forêt. «Nous avons testé toutes les explications plausibles et, pour l'instant, notre hypothèse est celle qui explique le mieux ce qui se produit sur le terrain.» Comme la foudre est à l'origine de la majorité des feux de forêt — on lui attribue 85 % des superficies de forêts brûlées chaque année —, l'ouverture de nouvelles routes risque d'accroître la fréquence des feux et de compromettre l'aménagement forestier durable. «Il faut tenir compte de cette possibilité et appliquer des mesures de mitigation lorsque c'est possible», souligne le chercheur. Des emprises de routes moins larges et la conservation d'un couvert forestier maintenant l'humidité en bordure des routes réduiraient la probabilité que la foudre y déclenche des feux, suggère-t-il.