
La rivalité Canadiens-Nordiques a atteint son paroxysme lors du match du 20 avril 1984 au Forum.
Une figure de symbole
«Pour bien des observateurs, cet événement marque le point culminant de la rivalité historique entre les Canadiens et les Nordiques dans les années 1980», explique Steve Lasorsa, qui prépare un mémoire de maîtrise en histoire sur la rivalité Canadiens-Nordiques sous l’angle nationaliste. «En effet, l’esprit de compétition n’a jamais été aussi élevé que lors de ce match et on n’a jamais retrouvé cette rivalité entre d’autres équipes provenant de villes différentes», estime-t-il. Au-delà de l’enjeu sportif, il s’agissait d’un enjeu symbolique entre deux clans, l’un fédéraliste, associé aux Canadiens avec l’uniforme rouge arborant l’unifolié et l’autre, nationaliste, avec l’uniforme bleu affichant la fleur de lys.» N’est-ce pas tomber un peu dans la caricature que de raisonner de cette façon? «Bien des personnes à qui la chose politique ne disait pas grand-chose ont trouvé dans l’opposition Canadiens-Nordiques une façon de prendre position, répond Steve Lasorsa. À leurs yeux, cette rivalité prenait figure de symbole. Les gens se sentaient représentés.»
Dans les années 1980, cette rivalité entre Canadiens et Nordiques, entre Montréal et Québec, entre fédéralistes et souverainistes, était omniprésente dans les journaux. Les journalistes alimentaient d’ailleurs cette rivalité, jugeant sans doute qu’elle faisait vendre de la copie. On parlait ainsi de «guerre fratricide», de «duel identitaire». Dans les familles, les discussions allaient bon train. C’était la bataille des Plaines d’Abraham après l’heure. La vente des Nordiques et leur départ pour le Colorado le 26 avril 1995 sonne le glas de cette rivalité qui a fait couler beaucoup d’encre, en plus d’avoir suscité bien des débats dans les chaumières.
Émeute au Forum
«Le départ des Nordiques a créé un grand vide, souligne Steve Lasorsa. En 1995, année du second référendum sur la souveraineté, le président-directeur général des Nordiques, Marcel Aubut, aurait demandé au premier ministre Jacques Parizeau de l’aider à garder les Nordiques à Québec, ce qu’on lui aurait refusé. On pourrait longuement spéculer sur ce qui se serait passé si les Nordiques étaient restés à Québec. Le “oui” l’aurait peut-être emporté.» Dans son mémoire qui comportera trois parties comme autant de périodes d’un match de hockey, Steve Lasorsa souhaite montrer à quel point le sport constitue un lieu privilégié pour observer les tendances populaires. «Souvenons-nous de Maurice Richard, qui est devenu un symbole de réussite et de revanche pour les Canadiens français face aux anglophones dans les années 1950, affirme le chercheur. Souvenons-nous de l’émeute que sa suspension de l’équipe a causée le soir du 17 mars 1955 au Forum de Montréal. À travers lui, à travers le hockey, c’est tout le peuple canadien-français qui trouvait un moyen de s’exprimer.»