«Ce qui nous paraît bon pour nous, Occidentaux, n’est pas forcément perçu comme tel par les populations que nous voulons aider», explique Frédéric Lasserre, professeur au Département de géographie et directeur de l’Observatoire de recherches internationales sur l’eau. «En effet, c’est la multiplication de petits projets réalisés de concert avec les communautés locales et adaptés à leurs besoins qui reste la meilleure voie à suivre, rapporte ce spécialiste en géopolitique de l’eau. Par exemple, dans un village d’Ouganda, on a construit au coût de 100 000 $ un réseau de latrines qui a changé la qualité de vie des habitants. On n’entend pas souvent parler des projets qui fonctionnent, mais il y en a beaucoup.»
Une question de gouvernance
À l’occasion de la Journée mondiale de l’eau le 22 mars et au lendemain du 5e Forum mondial de l’eau qui a eu lieu récemment à Istanbul, Frédéric Lasserre souligne que le manque d’accès à l’eau potable pour les pays en développement est davantage une question de gouvernance que de pénurie d’eau proprement dite. «L’eau est présente, mais ce sont plutôt les infrastructures pour l’assainir et la distribuer qui manquent», dit-il. À ce sujet, Frédéric Lasserre croit que la crise économique mondiale pourrait avoir des effets négatifs sur l’accès à l’eau potable pour les pays en développement, les pays riches ayant d’autres préoccupations en cette période d’incertitude et de bouleversement.
«Actuellement, l’Afrique subsaharienne et l’Océanie sont les deux régions les plus touchées en matière d’accès à l’eau potable, constate Frédéric Lasserre. Par ailleurs, avec le réchauffement climatique, on peut prévoir qu’il y aura des régions du monde qui recevront moins de précipitations, comme l’Afrique du Nord et le Proche et le Moyen Orient, tandis que d’autres en recevront davantage comme le nord du Québec et le nord de la Russie.» Quant à l’aide qu’on peut apporter aux pays en développement, elle passe par des dons en argent remis aux entreprises de coopération internationale qui se traduiront par la mise sur pied d’infrastructures reliées à l’eau. «Il ne faut pas penser que le fait de prendre sa douche moins longtemps va améliorer les conditions de vie des Africains, affirme Frédéric Lasserre. On ne peut pas non plus vendre notre eau aux pays en développement à cause des coûts très élevés de transport. La solution réside dans des dons qui vont aider les populations les plus démunies à s’en sortir et à pêcher eux-mêmes, si je puis dire.»