
Diana Orejuela, au Centre de recherche sur la fonction, la structure et l'ingénierie des protéines: «Nous voulons déterminer à quel point l'activation de l'AKT est essentielle à l'apparition du cancer primaire du foie en utilisant des souris qui en sont génétiquement privées».
— Marc Robitaille
La tyrosinémie héréditaire est causée par une cinquantaine de mutations qui rendent non fonctionnelle une même enzyme appelée FAH. Cette enzyme intervient dans la dégradation de la tyrosine, un acide aminé abondant dans les aliments courants. Chez les personnes atteintes de tyrosinémie, le mauvais fonctionnement de la FAH conduit à l’accumulation dans les cellules du foie de fumarylacétoacétate (FAA), un métabolite toxique normalement dégradé en composés inoffensifs par la FAH. Le FAA endommage les cellules du foie, des reins et le système nerveux; les enfants qui ne sont pas traités meurent avant l’âge de trois ans. Le seul médicament disponible, le NTBC, ne les met pas à l’abri des ennuis de santé: au fil des ans, des tumeurs au foie apparaissent chez environ le tiers des jeunes patients. «La tyrosinémie est la maladie génétique pour laquelle le risque de cancer primaire du foie est le plus élevé», signale Diana Orejuela.
Pour tenter de comprendre la cause de ces cancers, les chercheurs ont utilisé des souris mutantes présentant les principales caractéristiques de la tyrosinémie. Privées de NTBC pendant quelques semaines de façon à simuler le stress causé par l’accumulation de métabolites toxiques au fil du temps, ces souris perdent du poids, leur foie et leurs reins grossissent et des anomalies cellulaires, annonciatrices de transformations cancéreuses, se développent dans ces organes. Grâce à des analyses biochimiques, les chercheurs ont découvert que l’accumulation de FAA provoque l’activation d’une protéine de survie cellulaire (AKT) et l’inhibition du mécanisme de mort cellulaire (apoptose) dans les cellules du foie de ces animaux. «Ces cellules acquièrent une résistance à la mort cellulaire, ce qui favorise le développement des cellules cancéreuses», résume Diana Orejuela.
L’AKT s’annonce donc comme une nouvelle cible intéressante pour la recherche sur la tyrosinémie et sur son traitement. Robert Tanguay vient d’ailleurs d’obtenir 480 000 $ des Instituts de recherche en santé du Canada pour la poursuite de travaux en ce sens. «Des inhibiteurs d’AKT sont déjà testés chez l’humain pour d’autres types de cancers et nous voulons déterminer à quel point l’activation de l’AKT est essentielle à l’apparition du cancer primaire du foie en utilisant des souris qui en sont génétiquement privées, explique l’étudiante-chercheuse. La résistance à la mort cellulaire pourrait bien être une réponse commune à plusieurs maladies chroniques du foie et non pas une particularité de la tyrosinémie», ajoute-t-elle. Le cancer primaire du foie vient au cinquième rang sur la liste des cancers les plus meurtriers avec un million de victimes chaque année à travers le monde.