
Elizabeth Maunsell: «Nous espérons que nos résultats serviront à alimenter la réflexion en cours au Canada et ailleurs dans le monde sur la réforme des programmes de congé de maladie».
Première étude à chiffrer les coûts financiers personnels du cancer du sein, cette recherche porte sur 403 femmes qui ont dû s’absenter du travail pendant le traitement de leur maladie. Sophie Lauzier, Elizabeth Maunsell, Jacques Brisson, Belkacem Abdous et Jean Robert, de l’Unité de recherche en santé des populations, et leurs collaborateurs de Québec, Montréal, Ottawa et Washington rapportent que la durée moyenne du congé de maladie atteint sept mois chez ce groupe de femmes. Au Canada, les programmes gouvernementaux prévoient un dédommagement pouvant atteindre 55 % du salaire pendant un maximum de 15 semaines, alors que la couverture offerte par les employeurs privés est souvent plus longue et plus généreuse. «Dans notre étude, plus de 75 % des femmes se sont absentées plus de 15 semaines, souligne Elizabeth Maunsell. Travailler pendant les traitements contre le cancer est très difficile et pourrait avoir des répercussions négatives sur la santé des femmes.»
Des cas individuels
Les pertes encourues, qui tiennent compte des dédommagements provenant des programmes d’assurance salaire, varient considérablement d’une patiente à l’autre. Ainsi, 10 % des travailleuses rapportent des baisses de revenus atteignant deux tiers de leur salaire annuel. Les femmes les plus à risque de perdre une proportion élevée de leurs revenus sont moins scolarisées, occupent un emploi autonome ou à temps partiel, ont peu d’ancienneté dans leur milieu de travail, résident loin de l’hôpital où elles sont traitées et ont peu de soutien social. Les femmes qui reçoivent des traitements de chimiothérapie et celles dont l’état nécessite une chirurgie effractive sont également plus durement touchées financièrement.
La professeure Maunsell estime que les femmes qui entreprennent un traitement contre le cancer du sein sont peu conscientes des répercussions financières de cette maladie. «Au début, toute leur attention est concentrée sur leur bataille contre le cancer. C’est plus tard qu’elles constatent l’impact sur leurs revenus.» La chercheuse et ses collègues croient que les médecins devraient être sensibilisés aux répercussions financières personnelles du cancer du sein et qu’ils devraient aborder cette question avec leurs patientes dès les premières phases du traitement pour leur éviter de mauvaises surprises. «Celles qui risquent de perdre une part plus importante de leurs revenus pourraient planifier leur congé de maladie et leur retour au travail de façon à minimiser ces pertes», avance Elizabeth Maunsell.
Les conclusions de cette étude ne se limitent pas aux femmes atteintes d’un cancer du sein, poursuit la chercheuse. «Toutes les maladies graves qui nécessitent une absence prolongée du travail auront, elles aussi, des répercussions négatives sur les revenus. Nous espérons que nos résultats serviront à alimenter la réflexion en cours au Canada et ailleurs dans le monde sur la réforme des programmes de congé de maladie.»