
L’ouverture du passage du Nord-Ouest laisse entrevoir une intensification de la navigation dans l’Arctique, que ce soit des bateaux en transit qui utiliseront cette nouvelle voie de circulation ou des navires liés aux activités économiques qui prendront de l’ampleur dans cette région du pays avec la disparition des glaces. «Pour le moment, on a des ressources suffisantes, mais à moyen terme, il va y avoir plus de trafic maritime, plus de travail d’escorte et de sauvetage, et la saison de navigation dans l’Arctique va s'allonger. Il va falloir plus de ressources pour augmenter notre capacité d’intervention. Il est déjà minuit moins une et il faut agir rapidement», a déclaré Steven Neatt, surintendant du Service de déglaçage, escorte des navires et contrôle des inondations à la Garde côtière canadienne.
Faisant sien l’avis de spécialistes en science politique, Louis Fortier, directeur du Réseau de centres d’excellence ArctiNet et professeur au Département de biologie, a rappelé que «gouverner, c’est prévoir» et qu’un gouvernement responsable devrait commencer à s’occuper d’un problème lorsque la probabilité qu’il se réalise atteint entre 5 et 10 %. «La probabilité que le passage du Nord-Ouest soit complètement ouvert pendant l’été d’ici quelques années dépasse 80 % et on est très en retard dans la planification des opérations de surveillance et de contrôle de la navigation dans ce secteur. S’il arrivait un accident à un pétrolier devant Resolute Bay, le Canada ne serait pas en mesure d’intervenir efficacement. Les compagnies européennes de transport maritime, elles, planifient déjà des routes par le passage du Nord-Ouest pour 2010», assure-t-il.
Pole position aux Inuits
Frédéric Lasserre, professeur au Département de géographie et spécialiste de la géopolitique, s’est dit inquiet des impacts qu’engendrera l’accessibilité accrue aux régions arctiques. «Les Inuits sont pragmatiques, ils savent qu’ils ne pourront empêcher l’ouverture du passage du Nord-Ouest, ni la circulation maritime de transit, mais ils veulent que le développement des mines, du tourisme et des pêches se fasse selon leurs termes. Le développement de l’Arctique doit être structuré de façon à engendrer des retombées économiques positives pour les populations locales», insiste-t-il.
Pour y arriver, Louis Fortier propose de mettre l’Arctique à l’abri de tout développement et de laisser aux communautés locales le soin de lever les interdictions à la pièce, en fonction des projets qui leur conviendront. «L’Arctique pourrait ainsi devenir un laboratoire où le concept de développement durable s’incarnerait. Mais, convient-il, il est difficile d’imposer cette contrainte aux communautés nordiques alors qu’on ne la respecte pas dans le reste du pays.»