«La couverture médiatique a été un peu extrême cet été, admet Warwick Vincent, professeur du Département de biologie. À un point tel que des gens craignaient de s’approcher de certains lacs, notamment le lac Saint-Jean, où des problèmes très localisés et éphémères d’algues bleu-vert avaient été signalés», déplore-t-il. Mais cette surenchère d’information a eu du bon, poursuit ce spécialiste des cyanobactéries, le nom savant des algues bleu-vert. «La population a réalisé que nous avons négligé trop longtemps les lacs du sud du Québec.»
En effet, entre deux séances de crêpage de chignon mettant en scène des propriétaires riverains qui s’occupent amoureusement de leur gazon et de leur vue sur le lac, mais pas de leur fosse septique, et qui ne se feront sûrement pas dire quoi faire chez eux, des agriculteurs qui veulent de la compagnie au banc des accusés, des écologistes qui nous l’avaient bien dit, une ministre qui fait la tournée des régions touchées pour voir de ses propres yeux ce que ces mêmes yeux ont lu dans les rapports de ses fonctionnaires, et des chercheurs qui blâment les castors, les médias auront réussi à faire passer le message que quelque chose ne tourne pas rond dans nos lacs.
Grâce à leur travail, les Québécois ont appris que les cyanobactéries font partie de la flore naturelle des lacs, qu’il en existe plus de 2 000 espèces sur notre planète, dont quatre à peine présentent des dangers pour la santé humaine au Québec lorsque leurs populations explosent, et que l’élément clé pour ces organismes est le phosphore. Tout ce qui favorise une hausse du phosphore dans la colonne d’eau - engrais, savons, fosses septiques défectueuses et déboisement des berges - contribue à leur croissance. Toutefois, une question importante a été laissée en suspens: pourquoi les algues bleu-vert causent-elles tant de problèmes depuis deux ans alors que les conditions favorables à leur multiplication sont présentes depuis belle lurette au Québec? «Je crois que nos lacs ont atteint un seuil critique de sensibilité, résultant de plusieurs décennies de dégradation, qui fait que toute addition de phosphore a maintenant d’importantes répercussions», avance le professeur Vincent. Le réchauffement climatique a aussi été pointé du doigt – les algues bleu-vert s’épanouissent à une température de 25 degrés Celsius -, «mais il est prématuré de se prononcer là-dessus», estime le spécialiste.
Le Québec n’est pas le seul endroit au monde aux prises avec les cyanobactéries, poursuit-il, et il faut s’inspirer des méthodes utilisées ailleurs pour corriger le problème: identifier les sources de phosphore qui contaminent un lac pour mieux les éliminer. C’est d’ailleurs à quoi s’affaire présentement l’équipe de Warwick Vincent dans le cadre de travaux menés au lac Saint-Augustin et au lac Saint-Charles, la source d’eau potable d’une importante partie de la ville de Québec.
Évidemment, ajoute-t-il, il faut continuer de sensibiliser la population à ce problème environnemental. Le professeur Vincent prépare d’ailleurs un colloque sur les algues bleu-vert qui aura lieu en janvier prochain sous l’égide de l’Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société. L’événement s’adressera aux spécialistes et aux décideurs interpellés par le problème, mais aussi à la population qui sera conviée à une grande conférence publique. La saison de chasse médiatique aux algues bleu-vert pourrait donc commencer très tôt en 2008.