Cette démonstration permettra d’améliorer la technique de restauration des tourbières mise au point par le GRET au cours des 15 dernières années. Les sphaignes sont au cœur de cet écosystème, rappelle Line Rochefort, directrice du GRET et titulaire de la Chaire de recherche industrielle en aménagement des tourbières. Ces modestes végétaux, reconnus pour leur capacité à coloniser les milieux pauvres où nulle autre plante ne prend racine, parviennent, à force de temps, à tisser de verts tapis continus sur de vastes superficies. «Sans sphaignes, il n'y a pas de tourbières. Ce sont les ingénieures de cet écosystème», résume-t-elle.
La technique de restauration développée par le GRET permet de recréer une tourbière fonctionnelle sur ce qui deviendrait autrement un terrain en friche. Cette méthode est basée sur la transplantation de mousses: il faut 1 mètre carré de sphaigne pour restaurer 12 mètres carrés de tourbière abandonnée. Une fois cette roue enclenchée, le temps fait son œuvre. «Il existe environ 46 espèces de sphaignes au Québec et il est important de faire un bon choix. Nos résultats indiquent que la restauration sera mieux réussie si Sphagnum fuscum fait partie des mousses réintroduites», souligne la professeure Rochefort.
Présentement, les sphaignes transplantées sont prélevées dans des tourbières naturelles, mais le GRET a entrepris d’en faire la culture à sa station expérimentale de Shippagan, située dans une tourbière mise à sa disposition par le gouvernement du Nouveau-Brunswick. Des essais de culture à grande échelle portant sur trois espèces apparentées à Sphagnum fuscum sont présentement en cours en vue d’optimiser leur croissance. «La culture des sphaignes constitue une option intéressante pour les entreprises qui n’ont pas de matériel biologique pour assurer la restauration de leur tourbière et même comme source de fibres pour certains produits à valeur ajoutée», ajoute la chercheuse.
Adoptée par l’industrie canadienne de la tourbe, la technique de restauration des tourbières du GRET suscite l’intérêt à l’extérieur de nos frontières. «Au cours des derniers mois, j’ai reçu des demandes de consultations d’Indonésie, du Chili, d’Alaska et d’Europe. Les gens veulent notamment savoir comment nous sommes arrivés à un partenariat entre le monde universitaire et les entreprises d’exploitation de la tourbe. Cela démontre qu’il y a une prise de conscience internationale de la nécessité de restaurer les tourbières après leur exploitation», constate Line Rochefort.