
L’atome de fluor occupe une place spéciale parmi les nombreux blocs de construction utilisés par les chimistes qui travaillent dans l’industrie pharmaceutique, souligne Jean-François Paquin. En effet, l’ajout d’un atome de fluor peut changer les propriétés pharmacologiques d’une molécule, en modifiant notamment sa solubilité, sa propension à se lier à d’autres molécules, entre autres les lipides, sa stabilité dans l’organisme et sa réactivité chimique. «Il existe moins d’une douzaine de composés naturels qui renferment des liens entre le carbone et le fluor, précise le chercheur. Tous les autres composés qui contiennent ce lien sont des produits de synthèse. Comme les enzymes du corps humain ne parviennent pas à briser ces liens, les molécules qui en contiennent ont une durée de vie plus longue dans l’organisme, ce qui peut constituer un avantage dans le cas de certains médicaments.» Le nombre de produits pharmaceutiques possédant au moins un atome de fluor a augmenté de façon significative depuis quelques années. «En 2005, quatre des dix médicaments les plus vendus aux États-Unis possédaient au moins un atome de fluor», souligne-t-il.
Une voie inhabituelle
Malgré l’intérêt porté à cette classe de composés, il existe peu de méthodes pour les préparer, souligne le professeur Paquin. Le procédé mis au point dans son laboratoire utilise une voie inhabituelle pour y arriver. «Nous prenons comme substrat de départ une molécule qui ne présente pas d’intérêt commercial, mais qui contient déjà un atome de fluor. Par la suite, en faisant intervenir des quantités infimes de palladium, nous la transformons en molécule intéressante sur le plan pharmaceutique.» Le procédé permet d’obtenir la molécule recherchée avec une pureté optique dépassant les 90 %. Cette approche permet soit de créer de nouveaux médicaments fluorés ou encore d’augmenter l’efficacité de molécules déjà utilisées par l’industrie.
Il est trop tôt pour prédire la place qu’est appelé à prendre le nouveau procédé dans la synthèse de composés fluorés, mais «en raison de son efficacité, il remplacera des méthodes qui ont cours présentement», croit le chercheur. Cette découverte a été réalisée dans le cadre des travaux de la Chaire de recherche en chimie organique et médicinale, dont le professeur Paquin est titulaire. Le chercheur et son équipe étudient les nouvelles méthodes de synthèse de composés d'intérêt pour les domaines de la chimie organique, médicinale, thérapeutique, agrochimique et des nouveaux matériaux.