Comment mieux soutenir les activités des entreprises canadiennes sur les marchés asiatiques? Le jeudi 12 décembre au pavillon La Laurentienne, quatre étudiants inscrits à la maîtrise en études internationales, Thomas Bernatchez, Audrey-Anne Fortin, François Martin et Samuel Pépin-Guilbert, ont tenté de répondre à cette question à l'occasion du colloque «Le Canada face à l’émergence de l’Asie: enjeux, défis et actions». La journée était organisée conjointement par le Groupe d’études et de recherche sur l’Asie contemporaine et la Chaire Stephen-A.-Jarislowsky en gestion des affaires internationales.
«Je pense que le Canada comprend l’importance de l’Asie comme marché commercial, il y est présent, mais il pourrait l’être davantage», soutient François Martin.
Selon lui, l’encadrement offert aux entrepreneurs canadiens qui souhaitent faire des affaires sur le continent asiatique s’appuie sur de belles initiatives. Il y a notamment le Partenariat transpacifique global et progressiste. Une autre initiative porteuse est l’accord de libre-échange en vigueur depuis 2015 avec la Corée du Sud. Dernier événement en date: en 2019, l’ambassade du Canada au Japon lançait un accélérateur pour les entreprises canadiennes du secteur des technologies de l’information et de la communication désireuses de commercer avec ce pays.
«Le cadre, ajoute l’étudiant, est bon. Mais il faut travailler sur notre image. Les Asiatiques connaissent relativement peu le Canada. Ils ont des liens d’affaires avec l’Europe, les États-Unis. Beaucoup commercent entre eux. Il est surprenant de voir à quel point le Canada est petit là-bas comparé aux États-Unis. Pendant ce temps, des États comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont été capables de développer des liens plus importants que le Canada dans cette partie du monde.»
L’exemple de la Nouvelle-Zélande pourrait inspirer le Canada. L’accord de libre-échange signé entre ce petit pays et le géant chinois comprend notamment la reconnaissance mutuelle des qualifications dans les services d’éducation, ainsi que dans les échanges d’étudiants. L’entente permet à des entreprises néo-zélandaises offrant des services aux personnes âgées d’ouvrir des succursales à travers la Chine.
Les avantages d’un accord canado-chinois
Selon François Martin, un éventuel accord de libre-échange canado-chinois placerait les entreprises canadiennes dans une position favorable en vertu de trois éléments. Premièrement, le Canada est principalement une économie de services. Deuxièmement, la Chine est en transition vers une économie de services, après avoir été dominante comme économie manufacturière. Enfin, des secteurs de l’économie chinoise, traditionnellement inaccessibles au secteur privé, s’ouvrent avec la dérèglementation de l’économie.
L’étudiant connaît bien la réalité du commerce en Asie. En 2018, au Vietnam, il a représenté une entreprise de la région de Québec en tant qu'agent de développement au cours de missions commerciales de l’Université Laval. En 2019, il a coordonné la délégation étudiante de l'Université à l’œuvre en Corée du Sud. Cette année, il est responsable du volet diplomatique des missions commerciales qui se dérouleront ce printemps en Corée du Sud, au Mexique et au Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg).
Le Canada multiplie les efforts en Asie. Depuis 2006, il a ouvert dix nouveaux bureaux uniquement en Chine et en Inde. En 2013, Ottawa a ouvert une ambassade au Myanmar. Sur le plan multilatéral, le Canada collabore avec le forum de Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (en anglais, l'Asia-Pacific Economic Cooperation ou APEC), l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est et la Banque de développement asiatique. Le forum intergouvernemental APEC permet au Canada de resserrer ses liens commerciaux et économiques avec une région, l'Asie-Pacifique, représentant plus de 60% du PIB mondial.
«En Asie, la réputation du Canada demeure bonne, mais faible», explique François Martin.
Une aversion naturelle
En 2018, le Canada a vu ses investissements étrangers directs augmenter de 4 milliards de dollars vers l’Asie. Il reste qu’aucun pays asiatique ne se trouve parmi les 15 plus importants destinataires des investissements canadiens. Une des raisons à cela serait l’aversion naturelle éprouvée par les entrepreneurs canadiens à l'égard des risques, présumés ou réels, entourant la conduite des affaires en Asie. Des environnements réglementaires extrêmement difficiles, des chaînes d’approvisionnement plus ou moins efficaces, une image de la Chine et de certains pays asiatiques qui n’est pas très bonne chez les consommateurs canadiens: autant de facteurs qui expliquent qu’établir des liens d’affaires avec des partenaires d’Asie ne va pas de soi pour plusieurs.
«Pour que le Canada ait une belle présence en Asie, cela part des entrepreneurs, affirme l’étudiant. Beaucoup perçoivent un mauvais climat d’affaires, plusieurs craignent de se faire voler leur technologie. Certains préfèrent les États-Unis pour la proximité géographique. D’autres sont habitués à travailler avec des entrepreneurs de la Francophonie… Il est clair que faire des affaires en Asie représente un processus excessivement long. Il y a aussi la culture du silence. Vous faites une présentation d’une heure, on vous écoute, on hoche la tête, puis plus rien. Mais une fois que les liens sont établis, on peut parler de relations d’affaires excessivement fortes malgré des systèmes de valeurs différents.»
Selon lui, certaines pistes d’amélioration pourraient accroître la présence canadienne en Asie. L’une d’elles serait de prendre plus de place et d’investir davantage de ressources au sein des forums et organisations asiatiques. Une autre consisterait à renforcer le service des délégués commerciaux. Il faudrait aussi miser sur l’apport des villes comme passerelles transnationales entre les différents pôles de recherche et d’innovation. Nouer de nouveaux partenariats entre les villes canadiennes et asiatiques serait également indiqué.
Tous les cinq ans, le gouvernement chinois établit une liste des secteurs économiques prioritaires. Actuellement, ces six secteurs sont les infrastructures, les services financiers, l’éducation, les ressources naturelles, le tourisme et l’aérospatial. «Même les pays les plus industrialisés exportent des ressources naturelles, souligne François Martin. Un des produits qu’exporte le plus le Canada est le bois.»