C’est un vibrant appel à la vie et à la dignité humaine qu’a lancé le réputé oncologue et directeur du programme d’enseignement médical au CHUM (Centre hospitalier de l’Université de Montréal) aux nombreuses personnes venues l’entendre, lors d’une conférence organisée par le regroupement des étudiants de médecine, le 18 avril au pavillon Ferdinand-Vandry. «L’engouement de notre société en faveur de la décriminalisation de l’euthanasie découle notamment du fait que plusieurs malades continuent à ne pas bénéficier d’un contrôle adéquat de la douleur, a soutenu le docteur Ayoub. Aucun patient atteint de cancer ne devrait vivre avec une douleur non contrôlée, de même qu’aucun patient ne devrait se sentir laissé à lui-même, que ce soit de la part de l’équipe soignante ou de sa famille. Voilà ce que devrait être la mission des unités de soins palliatifs.»
Le tournant de la vie
Comment se fait-il que malgré toute la pharmacologie moderne, les patients continuent à se plaindre de la douleur physique? Selon le conférencier, la situation s’explique par une formation insuffisante des professionnels de la santé sur les médicaments anti-douleurs, conjuguée au manque d’information sur ces médicaments chez les proches du malade. En effet, il arrive parfois que ces derniers cessent d’administrer les médicaments parce que le malade se plaint des effets secondaires, avec le résultat que la douleur physique revient en force et n’est jamais complètement maîtrisée. Par ailleurs, si le patient a mal dans son corps, il est également profondément atteint dans sa dignité humaine, arrêté et humilié dans la course de sa vie qui, soudain, n’a plus aucun sens. Une fois l’amélioration physique atteinte, les membres de l’équipe de soins palliatifs doivent s’atteler à la tâche de transformer la souffrance morale du patient en une réconciliation avec la vie. «Le mieux consiste alors à privilégier une écoute active auprès du patient, soutient Joseph Ayoub. Quand un malade me dit qu’il se sent un fardeau pour sa famille et pour la société en général, je lui réponds qu’il a donné le meilleur de lui-même à la société et que c’est maintenant au tour de la société de prendre soin de lui.»
Pour trouver un sens à leur vie, plusieurs patients s’engagent dans des groupes d’entraide où, avec d’autres malades en phase terminale, ils partagent leurs perceptions de la vie et leurs espoirs. Plusieurs de ces échanges touchent la dimension spirituelle de l’être, ouvrant une fenêtre sur les véritables questions de l’existence. Qui sommes-nous? D’où venons-nous Où allons-nous? «Chez ceux qui acceptent de prendre ce tournant de la vie spirituelle s’installe graduellement la sérénité, dit le docteur Ayoub. Ils ont le goût de combattre et de vivre intensément le quotidien en déployant l’amour autour d’eux. Et si dans ce dépassement, la mort les surprend, ils n’ont pas peur.»