Nadia Ghazzali, titulaire de la Chaire CRSNG-Industrielle Alliance pour les femmes en sciences et en génie au Québec, a rappelé quelques chiffres. En 2007, seulement 12 % des étudiantes universitaires québécoises étaient inscrites dans un programme de sciences et de génie, alors que chez les étudiants, ce chiffre atteint 43 %. Malgré toutes les campagnes d’information et les programmes pour encourager la présence des femmes dans les programmes scientifiques, les étudiantes ne représentent encore que le quart des inscrits dans les facultés de sciences pures et appliquées.
Un autre plan de match?
La tiédeur actuelle des étudiantes pour la chose scientifique résulterait d’un contexte social et historique. «Si les jeunes femmes s’excluent elles-mêmes des sciences, c’est que la société les a longtemps exclues de ce domaine», estime Donna Kirkwood, présidente de la Commission géologique du Canada à Québec. Les statistiques concernant les lauréats des Prix du Québec en font foi. Depuis l’instauration de ces distinctions par le gouvernement du Québec en 1977, 69 prix ont été remis dans les domaines des sciences pures et appliquées et seulement deux femmes comptent parmi les lauréats. L’exclusion des femmes a favorisé la rareté de modèles féminins inspirants et une méconnaissance des carrières scientifiques, rien pour susciter des vocations scientifiques chez les jeunes femmes qui hésitent à emprunter cette voie.
Bien que personne ne conteste l’importance de l’absence de modèles, de la méconnaissance du travail des scientifiques et de la difficile conciliation travail-famille, certains croient qu’il est temps de passer à un nouveau plan de match. «Ça fait près de 30 ans qu’on a des programmes pour encourager les femmes à étudier en sciences, a constaté Louise Lafortune de l’UQTR. Ces programmes ont donné certains résultats, mais il y a eu un plafonnement des inscriptions et, depuis quelques années, on constate même un déclin. Il faut passer à une stratégie qui va plus loin. Le problème de la faible présence féminine dans les sciences est souvent posé sous l’angle de l’intérêt des jeunes femmes, comme s’il s’agissait d’un élément inné, alors que c’est une construction sociale. Il ne faut pas juste essayer de changer les perceptions des jeunes filles envers les sciences. Il faut changer la façon dont les parents, la famille, les amis, les professeurs et les conseillers en orientation envisagent la place des femmes dans les carrières scientifiques.»
Sans nier la valeur des témoignages livrés par les femmes qui font carrière en sciences, Jeanne d’Arc Gaudet, de l’Université de Moncton, estime qu’il faudrait explorer d’autres avenues pour mieux cerner toutes les causes du problème. «Les femmes qui ont réussi en sciences n’ont jamais rencontré d’obstacles insurmontables au cours de leur cheminement. Les femmes qui étaient intéressées par les sciences, mais qui ont changé de trajectoire, ont sûrement des choses à raconter qui nous aideraient à mieux comprendre pourquoi il n’y a pas plus de femmes en sciences.»