
Un nombre grandissant de décideurs encouragent la participation en ligne pour recueillir, sur des pages destinées à cette fin, les commentaires des internautes à propos de divers sujets.
— Flickr-CC-Davide-Gambino
C’est la question que s’est posée Sehl Mellouli. En 2015, ce professeur au Département des systèmes d’information organisationnels avait suivi avec curiosité la refonte de la gestion des ordures ménagères à la Ville de Québec. L’opération suscitait la controverse et le maire Régis Labeaume avait invité les résidents à s’exprimer sur sa page Facebook. «Des centaines de messages déferlaient, plusieurs solutions étaient proposées, mais sans vue d’ensemble; y voir une ligne directrice demeurait difficile», raconte le spécialiste. C’est de là qu’est venue l’idée de développer un outil d’analyse de données qui colligerait la quantité de messages résultant de ce genre d’exercice pour en tirer l’essentiel sans avoir à les lire un à un.
C’est à cela qu’il s’affaire avec son équipe dans le cadre d’un programme de recherche en cours depuis deux ans. «Essentiellement, nous déterminons des algorithmes à l’aide d’un ensemble de mots-clés. Cette technique permet d’extraire mécaniquement les grandes lignes des opinions et des propos émis par les citoyens et d’en faire un portrait exhaustif», précise Sehl Mellouli.
Jusqu’à maintenant, le projet a été appliqué à quatre cas de figure: la plateforme d’une ONG où les citoyens sont invités à s’exprimer sur la refonte d’un lieu public, une autre où des parents partagent leurs préoccupations à propos de leur enfant dans le cadre d’un projet de santé portant sur le diabète juvénile, les commentaires recueillis sur Twitter concernant les visées du développement durable et ceux écrits sur une page Facebook créée afin de recueillir les préoccupations citoyennes sur des problèmes urbains. «Dans l’ensemble des domaines analysés, notre technique possède un taux de succès qui avoisine 85%», fait valoir l’expert, qui ajoute qu’une fois développé, l’outil peut être adapté à une foule de situations. «Nous y voyons beaucoup de débouchés, par exemple du côté des sondages d’opinion liés au marketing ou à l’hôtellerie», dit-il à propos de cette initiative qui, à sa connaissance, s’avère unique au monde.
Cela dit, pour l’heure, c’est surtout à la question d’une expression citoyenne transmise de manière juste et efficace afin d’en tirer un usage optimal que s’attardent le professeur Mellouli et son équipe. Le chercheur présentera les visées prometteuses et les défis qui entourent son projet à l’occasion d’une conférence publique présentée par l’Institut Technologies de l’information et Sociétés (ITIS) le 28 septembre. «J’expliquerai aux gens comment les moyens que nous proposons contribuent à ce que ce qu’ils expriment sur le Web ne soit pas perdu, dit-il. Je mettrai également en valeur la qualité "gagnant-gagnant" de cette technique puisqu’elle rapproche les citoyens et les décideurs, ce qui leur permet de travailler de concert pour bâtir une meilleure société.»
Le spécialiste en profitera toutefois pour rappeler à ses auditeurs que, malgré ses avantages, la consultation numérique comporte certaines limites. «Prenez simplement la fracture numérique: un rapport commandé par la Ville de Québec à IBM évalue qu’en 2013, 19% des citoyens n’étaient pas branchés à Internet, indique-t-il. Lorsqu’on décide de mettre en place une plateforme de participation citoyenne, il faut en tenir compte avant de conclure qu’elle peut être représentative des perceptions de toute une population.»
La conférence «Engagement citoyen: défis et succès» sera présentée le jeudi 28 septembre, de 19h à 20h30, à la salle Gérard-Martin de la bibliothèque Gabrielle-Roy. Entrée libre. Réservation: 418 641-6789, poste 128.