«Les consommateurs veulent des viandes fraîches, peu transformées, qui se préparent en un tournemain et qui contiennent moins d’agents de conservation chimiques», a signalé la professeure du Département des sciences animales, lors d’une conférence prononcée le 14 décembre devant les membres de l’INAF. «Paradoxalement, ils veulent aussi que les viandes se conservent plus longtemps parce qu’ils ne veulent pas avoir à retourner trop souvent à l’épicerie chaque semaine. L’industrie doit donc trouver de nouveaux moyens de satisfaire ces besoins.»
La solution viendra peut-être des huiles de moutarde, de raifort, de thym, d’origan et autres produits du genre qui contiennent des molécules capables de freiner la multiplication ou de tuer les microorganismes qui élisent domicile dans la viande. Les travaux menés par l’équipe de la professeure Saucier indiquent que les huiles d’origan et de thym semblent particulièrement prometteuses parce que même à petites doses elles perturbent la plupart des espèces pathogènes qui altèrent la qualité de la viande, notamment celle qui cause la maladie du hamburger, permettant ainsi de prolonger la durée de vie des viandes sur les tablettes. «On pourrait, par exemple, ajouter ces huiles au steak haché ou à des saucisses, suggère la chercheuse. L’acceptabilité de ce type de produit ne devrait pas poser problème parce que de toute façon les consommateurs assaisonnent la viande avant de la consommer.»
La viande demeure la principale catégorie d’aliments associés aux cas de toxi-infection. L’année dernière, 35 % des 828 épisodes d’intoxication alimentaire déclarés au Québec concernait la viande et la volaille. «L’industrie des viandes est relativement conservatrice par rapport aux nouvelles approches, commente la chercheuse. Comme la santé publique est en cause, il n’y a pas de place à l’erreur. La validation du procédé, dans des conditions similaires à ce qu’on retrouve à l’usine, est une condition sine qua non à son utilisation.»
D’ici peu, Linda Saucier et son équipe disposeront d’un laboratoire spécialement conçu à cette fin. Il y a quelques mois, la Fondation canadienne pour l’innovation, le gouvernement du Québec et des partenaires industriels lui accordaient une somme de 600 000$ pour la construction d’un laboratoire de microbiologie des viandes qui servira à valider l’efficacité des systèmes antimicrobiens. Les travaux de construction commenceront à la mi-janvier et ils devraient être terminés à Pâques. Les chercheurs y mèneront des expériences nécessitant l’inoculation volontaire, dans des produits réels, de bactéries pathogènes pour l’humain, ce qui impose des mesures de sécurité qui dépassent largement ce que l’on retrouve dans des laboratoires conventionnels.
Malgré les moyens mis à sa disposition - seulement trois autres laboratoires du genre existent au Canada -, Linda Saucier sait qu’elle ne remportera jamais de victoire définitive sur les microscopiques envahisseurs qu’elle étudie. «Les bactéries s’adaptent continuellement aux stress qu’elles rencontrent de sorte que la lutte à la microflore pathogène n’est jamais terminée», concède-t-elle.