Une intervention psychologique de courte durée, inspirée d'une thérapie conçue par le professeur Charles Morin de l'Université Laval, réduirait de 71% le risque d'apparition de l'insomnie chez des adolescents à risque. Les détails de cette étude, réalisée par l'équipe de Yun-Kwok Wing, de la Chinese University of Hong Kong, et par le professeur Morin, de l'École de psychologie et du Centre de recherche CERVO de l'Université Laval, viennent de paraître dans la revue Pediatrics.
Les chercheurs ont recruté 242 jeunes de 12 à 18 ans ayant des problèmes de sommeil dont la gravité se situait en deçà des critères d'insomnie du DSM-5. Leur sommeil était perturbé au moins une fois par mois, mais moins de trois fois par semaine. De plus, ces jeunes provenaient de familles où au moins l'un des parents souffrait d'insomnie ou avait souffert d'insomnie dans le passé. «Les enfants issus de ces familles courent eux-mêmes trois fois plus de risques de souffrir un jour d'insomnie», souligne le professeur Morin.
La moitié des sujets ont participé à quatre séances d'information de 60 minutes portant sur la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Cette intervention comporte deux volets. D'une part, elle encourage un changement des croyances liées au sommeil, par exemple qu'il est possible d'induire le sommeil sur commande. D'autre part, elle vise à instaurer des habitudes de vie propices au sommeil. Parmi celles-ci, mentionnons prévoir une période de détente d'au moins une heure avant d'aller au lit, éviter les écrans en fin de soirée, utiliser le lit exclusivement pour dormir, se lever si le sommeil ne vient pas après 20 minutes, et sauter du lit à la même heure chaque matin, peu importe le nombre d'heures dormies la nuit précédente. «De plus, comme l'adolescence est une période où le stress est très présent, nous avons ajouté une composante de relaxation à l'intervention», précise Charles Morin.
Un an plus tard, les chercheurs ont constaté que l'intervention avait porté ses fruits. L'incidence de l'insomnie était de 6% chez les jeunes du groupe intervention contre 21% dans le groupe témoin, soit une réduction de 71% du risque. Les symptômes d'insomnie et la sensibilité au stress généré par l'insomnie étaient aussi en baisse dans le groupe soumis à l'intervention.
«Il s'agit de la première démonstration de l'efficacité de la TCC pour prévenir l'insomnie chez des jeunes à risque, avance le professeur Morin. Ce sont des résultats encourageants étant donné que l'insomnie touche entre 10% et 36% des adolescents et qu'une fois installé, ce trouble du sommeil peut devenir chronique.»
La TCC avait déjà démontré sa valeur pour traiter les adultes souffrant d'insomnie. Elle atténue la gravité du problème chez environ 80% des adultes, incluant une rémission dans 60% des cas. Pourrait-on envisager son utilisation comme outil de prévention chez l'adulte également? «Oui, répond sans hésitation le chercheur. D'ailleurs, considérant les problèmes d'anxiété et de sommeil qu'on observe présentement dans la population en raison de la pandémie, je crois qu'il y aurait lieu de faire une grande campagne de sensibilisation sur l'importance du sommeil et sur les habitudes de vie qui favorisent un sommeil de qualité.»