Les problèmes d'acné et d'eczéma qui se manifestent chez les personnes portant le masque de façon prolongée rappellent que les textiles et la peau ne font pas toujours bon ménage. En effet, l'abrasion cutanée résultant de la friction avec un textile ainsi que le microclimat chaud et humide créé par un vêtement font le bonheur des bactéries et des champignons causant des infections cutanées.
Des chercheurs en biomatériaux de l'Université Laval et leurs collaborateurs tunisiens ont mis au point un textile qui réduit le risque d'infections fongiques associées au port de vêtements. Ces chercheurs, rattachés au Département de génie des mines, de la métallurgie et des matériaux et au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, présentent les détails de leurs travaux dans un article publié par la revue Biointerphases.
En bref, leur approche consiste à extraire un composé antifongique contenu dans le curcuma et à le fixer chimiquement aux fibres du coton. Pour y arriver, les chercheurs ont recours à une interface composée de polydopamine. «Cette interface forme une couche semblable à une toile d'araignée qui établit des ponts entre le textile et la molécule antifongique», explique le responsable du projet, Diego Mantovani.
L'objectif de ce projet était de créer un textile pour les chaussettes des militaires et des travailleurs qui portent des bottes à cap d'acier, rappelle-t-il. «Ces bottes sont chaudes et mal aérées et elles créent un microenvironnement propice aux infections comme le pied d'athlète. Le défi consistait à lier la molécule antifongique au textile de façon stable et durable afin que son action résiste au frottement mécanique et aux agressions chimiques répétées de la sueur et du savon à lessive.»
Les tests menés par les chercheurs ont révélé que l'ajout de cette couche de polydopamine ne modifie pas les propriétés mécaniques ou thermiques du coton. «De plus, le composé antifongique du curcuma est incolore et la couche de polydopamine n'est pas perceptible à l’œil nu. La couleur du textile est donc inchangée», précise le professeur Mantovani.
L'ajout de la polydopamine permet d'augmenter de six fois l'adsorption de la molécule antifongique par les fibres du coton. Les expériences réalisées sur trois espèces de champignons causant des mycoses cutanées ont montré que leur croissance pouvait être réduite jusqu'à huit fois par ce coton. «Les propriétés antifongiques du textile modifié diminuent toutefois après une centaine de lavages, constate le chercheur. Nous espérons qu'en optimisant le procédé, on pourra porter cette limite à 1000 lavages.»
Même si ces travaux visent d'abord la mise au point d'une super-chaussette, le professeur Mantovani n'écarte pas d'autres applications. «On pourrait notamment en faire des gants, précise-t-il. Pour ce qui est des masques, si on les porte en continu pendant de longues heures, ils créent un milieu chaud et humide et ils provoquent une abrasion cutanée. On peut donc supposer que notre textile modifié pourrait réduire le risque de mycose cutanée sous le masque. C'est une avenue qu'il faudrait explorer.»
L'étude parue dans Biointerphases est signée par Pascale Chevallier, Ranna Tolouei et Diego Mantovani, de l'Université Laval, et par les chercheurs tunisiens Sondes Gargoubi, Fatma Saghrouni, Chedly Boudokhane et Neji Ladhari.