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Administrer du sang frais à de jeunes patients gravement malades n'aurait pas d'incidence sur l'évolution de leur état de santé. Une équipe internationale, dont fait partie Alexis Turgeon, de la Faculté de médecine et du Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, en fait la démonstration dans une étude parue la semaine dernière dans le JAMA, la revue de l'American Medical Association.
Les chercheurs ont examiné la question chez 1461 patients dont l'âge médian était de moins de 2 ans. Ces enfants avaient été admis, entre février 2014 et novembre 2018 à l'unité de soins intensifs de l’un des 50 centres hospitaliers participant à l'étude. Leur état avait nécessité au moins une transfusion sanguine dans les 7 premiers jours suivant leur admission. La moitié d'entre eux a reçu du sang "régulier", entreposé depuis 18 jours en moyenne, alors que l'autre moitié a reçu du sang frais, entreposé depuis moins de 8 jours.
Le suivi des patients pendant 28 jours n'a révélé aucune différence entre les deux groupes quant à l’incidence du syndrome de défaillance des organes, de choc (défaillance circulatoire aiguë), de détresse respiratoire aiguë, de réaction infectieuse généralisée et de mortalité. La transfusion de sang frais ne procurerait donc aucun avantage substantiel aux jeunes malades, résument les chercheurs.
Le sang: rare, cher et précieux
Il y avait tout de même une certaine logique derrière l’idée de recourir au sang frais pour des patients dont l’état de santé est précaire, reconnaît Alexis Turgeon, qui est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en soins intensifs neurologiques et traumatologie. «Le sang peut être gardé 42 jours si on y ajoute des agents de conservation, mais les globules rouges se détériorent tout de même avec le temps. Des études in vitro avaient montré que certaines fonctions des globules rouges s’altèrent en fonction du temps d’entreposage. De plus, des études de cohorte ont rapporté une association entre le temps d'entreposage et une augmentation de la morbidité et de la mortalité. Cela explique pourquoi, dans certains centres hospitaliers, des médecins souhaitaient transfuser du sang frais à des patients particulièrement vulnérables, notamment à des enfants admis à l'unité de soins intensifs.»
— Alexis Turgeon
Les conclusions de l’étude qui vient de paraître dans le JAMA sont similaires à celles de quatre autres essais cliniques randomisés d'importance menés sur le sujet chez divers groupes de patients, souligne Alexis Turgeon. «À la lumière de ces études, la pratique qui consiste à transfuser du sang frais à certains groupes de malades n’est pas fondée. Il n’y a donc pas de raisons valables de modifier le système de distribution actuel, qui consiste à utiliser en priorité le sang collecté depuis plus longtemps. Le sang est une ressource rare, chère et précieuse. Il faut en faire une utilisation rationnelle qui repose sur des données probantes.»