
Les statines sont prescrites pour traiter le rétrécissement ou l'occlusion des artères chez les gens qui ont eu des événements cardiovasculaires ou chez ceux qui veulent les prévenir. Dans ce dernier groupe, l'efficacité du traitement dépend du risque cardiovasculaire de chaque patient.
Les statines sont prescrites pour traiter le rétrécissement ou l'occlusion des artères chez des personnes qui veulent diminuer le risque de subir un premier événement cardiovasculaire (prévention primaire) ou la récidive d'un événement cardiovasculaire (prévention secondaire). «En prévention secondaire, les statines sont un no-brainer, leur efficacité ne fait pas de doute. En prévention primaire, par contre, l'efficacité annoncée de ces médicaments est établie à partir d'essais randomisés auprès de populations présentant des risques cardiovasculaires très différents. Il s'agit d'une moyenne qui ne reflète pas la situation de chaque patient et ce qu'il peut espérer de ces médicaments», souligne l'un des auteurs de l'étude, Paul Poirier, professeur à la Faculté de pharmacie et cardiologue à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ).
Pour prouver leur argument, les chercheurs ont passé en revue 4 essais randomisés réalisés chez des sujets ayant un risque cardiovasculaire faible et 5 études menées auprès de sujets à haut risque. Dans chaque cas, ils ont établi l'efficacité de l'intervention à l'aide d'une mesure couramment utilisée en épidémiologie: le nombre de patients à traiter pour prévenir un événement défavorable (NPT). Plus un médicament est efficace, plus ce chiffre est bas. Les études antérieures ont conclu qu'en prévention primaire, le NPT des statines pendant cinq ans se chiffre à 88, c'est-à-dire qu'il faut traiter 88 patients pendant cinq ans pour prévenir un premier événement coronarien. Les analyses du groupe de Paul Poirier arrivent à un NPT de 53 dans le groupe à haut risque et de 146 dans le groupe à faible risque.
«C'est donc dire qu'il faut traiter presque trois fois plus de patients à faible risque qu'à haut risque pour prévenir un premier événement coronarien, résume le professeur Poirier. Vu d'un autre angle, 1 personne à faible risque profite du traitement pendant que 145 n'en retirent aucun bienfait tout en étant soumises aux effets secondaires négatifs des statines pendant cinq ans. Pour les patients à faible risque, l'efficacité des statines établie à partir des méta-analyses ne donne pas l'heure juste sur les bienfaits potentiels du traitement.»
Que faire alors? «Les médecins doivent résister à la facilité de prescrire et aider leurs patients à surmonter la difficulté de se prendre en main», conseille Paul Poirier. Pour y arriver, ils doivent les encourager à modifier leurs habitudes de vie pendant six mois. Par la suite, si ces changements ne donnent pas de résultats, ils peuvent proposer des statines aux patients qui ont un risque cardiovasculaire plus élevé que la moyenne. «Comme c'est le cas pour la plupart des médicaments, on a eu trop d'attentes par rapport aux statines, constate le cardiologue. Les patients aimeraient qu'on leur donne une pilule qui leur permettrait de vivre jusqu'à 150 ans sans qu'ils aient à changer leurs habitudes de vie. Ça n'existe pas. Les médecins peuvent aider les patients, mais il faut que ceux-ci fassent un bout de chemin.»
L'étude parue dans Family Practice est signée par Michel Rossignol et Marie-Claude Breton, de l'Université McGill, Michel Labrecque et Michel Cauchon, de la Faculté de médecine, et Paul Poirier, de la Faculté de pharmacie et de l'IUCPQ.