Le procédé développé par les trois chercheurs pourrait enlever une aiguille du pied des spécialistes de l’amélioration génétique des conifères. En effet, en raison des aléas de la reproduction sexuée, les arbres issus du croisement de deux arbres remarquables ne seront pas forcément exceptionnels. De plus, il faut patienter plusieurs années, jusqu’à ce que les rejetons aient atteint une certaine maturité, avant de savoir s’ils possèdent ou non les qualités de leurs parents, qu’il s’agisse de la qualité de leur bois ou de leur vitesse de croissance. La seule façon de propager un arbre remarquable tout en s’assurant de conserver ses attributs est d’en faire des copies conformes. C’est d’ailleurs ce que vise le bouturage — la mise en terre d’une jeune pousse provenant d’un plant mère qui génère un arbre complet —, mais ce procédé a ses limites. «C’est un cul-de-sac du point de vue de la sélection de clones parce que, pour nos espèces, le plant mère ne peut donner de boutures pendant plus de trois ans alors qu’il faut plus de temps que ça pour établir si les rejetons ont les qualités recherchées», explique Francine Tremblay.
Même si le premier clonage d’embryons de conifères a été réalisé en 1985, la production industrielle de conifères par clonage tarde à se développer parce qu’il n’existait pas de procédés de culture permettant de produire un grand nombre de plants par clone. Francine Tremblay et ses collaborateurs ont trouvé une solution à ce problème. Leur méthode, protégée par brevet, permet de produire en bioréacteur des embryons à partir de lignées cellulaires provenant de semences de conifères. Ils ont ainsi réussi à produire entre 8 000 et 12 000 embryons en moins de huit semaines, et 90 % d’entre eux étaient viables. Le procédé s’est révélé efficace pour les épinettes, les mélèzes et les pins.
Toutefois, comme dans le cas des croisements sexués (avec pollen et ovules), les chercheurs ne savent pas à l’avance si les embryons provenant d’une lignée cellulaire donneront des arbres de qualité. Ici encore, il faut patienter quelques années avant d’en avoir le cœur net. Dans l’intermède, les chercheurs conservent dans l’azote liquide les lignées cellulaires des arbres mis en culture. «Si une lignée donne des arbres remarquables, on peut alors l’utiliser pour produire un grand nombre de copies de cet arbre», précise la professeure Tremblay.
La chercheuse et son collègue Bernard Riedl travaillent maintenant au développement d'un procédé industriel de transfert en sol des embryons somatiques d'épinettes. Jusqu’à présent, avant d’être placés dans un milieu de croissance, les embryons étaient séparés des cellules auxquelles ils sont attachés par du personnel qui travaille à la main, à l’aide d’une loupe binoculaire, ce qui s’avère un processus laborieux et coûteux. «Il serait impensable de fonctionner de la sorte pour produire des millions de plants, souligne Francine Tremblay. Nous avons testé différentes approches et nous avons finalement trouvé un procédé mécanique qui donne de bons résultats tant du côté de l’efficacité que de la survie des embryons.»