
Au Québec, le nombre de médicaments pris par les personnes de plus de 65 ans est en hausse continuelle. Dans ce groupe d'âge, presque une personne sur deux prend au moins cinq médicaments.
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Le nombre de médicaments pris par les personnes âgées est en hausse continuelle et il ne faudrait pas attendre qu'une personne en consomme une vingtaine avant de se demander si sa médication est optimale. Quel serait le nombre à partir duquel un voyant devrait s'allumer? Huit, suggère une étude publiée dans le Journal of Applied Gerontology par une équipe de la Faculté de pharmacie de l'Université Laval, de VITAM – Centre de recherche en santé durable et de l'Institut national de santé publique du Québec.
«Avec le vieillissement de la population et la prévalence à la hausse des maladies chroniques, on constate une tendance lourde à prescrire de plus en plus de médicaments. Les gens ont plus de maladies, alors on en vient à penser qu'il est normal qu'ils prennent plus de médicaments. La vérité est plus nuancée parce qu'il y a des gains pour la santé lorsqu'on assure une thérapie optimale à chaque personne et la polymédication peut nuire à cet objectif», souligne la responsable de l'étude, Caroline Sirois.
La polymédication, ou polypharmacie, comporte des risques de trois ordres, poursuit-elle. «D'une part, plus le nombre de médicaments augmente, plus il y a de risques que certains d'entre eux, qui étaient appropriés au moment où ils ont été prescrits, ne le soient plus parce que la condition du patient a évolué. D'autre part, le risque d'interactions nuisibles entre médicaments augmente en fonction de leur nombre. Enfin, plusieurs médicaments ont un effet négatif sur un important neurotransmetteur du corps humain, l'acétylcholine. L'effet additif de ces médicaments sur ce neurotransmetteur peut avoir d'importantes répercussions sur la santé.»
Pour explorer le lien entre la polymédication et certains indicateurs de santé, l'équipe de recherche dirigée par la professeure Sirois a utilisé le Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec. Cette mégabase de données renferme, entre autres, des informations sur les réclamations de médicaments sur ordonnance, sur les visites à l'urgence et sur les décès.
«Nous avons utilisé ce système pour déterminer, chez les plus de 65 ans vivant dans la collectivité, quels indicateurs liés à la prise de médicaments permettaient le mieux de prédire les visites fréquentes à l'urgence (3 visites ou plus par année) et les décès. Nos analyses ont porté sur plus de 1,4 million de personnes», résume la professeure Sirois.
L'exercice a permis de déterminer que le nombre de médicaments était un meilleur prédicteur des visites fréquentes à l'urgence et des décès que des indicateurs complexes reposant sur des critères de médication non appropriée.
«Le seuil de huit médicaments est optimum. Il fournit une façon simple et rapide d'identifier les personnes âgées à risque de visites fréquentes à l'urgence et de décès. Lorsque des professionnels de la santé rencontrent des patients qui prennent huit médicaments, ils devraient examiner avec soin leur médication afin de s'assurer qu'elle est adéquate. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de problèmes au-delà de ce seuil. C'est une indication qu'il est déjà temps de réviser la médication.»
Les signataires de l'étude parue dans le Journal of Applied Gerontology sont Alexandre Campeau Calfat, Justin Turner, Marc Simard, Marjolaine Dubé et Caroline Sirois.

























