
Michel Frenette, Sylvain Moineau et Luc Trudel, trois des artisans qui ont participé à l'adaptation de l'outil de recherche CRISPR-Cas pour un cours de laboratoire de premier cycle.
— Marc Robitaille
«L'enseignement dispensé en classe peut facilement suivre l'évolution de la recherche, mais en laboratoire, c'est souvent plus compliqué, explique le professeur responsable de ce cours, Michel Frenette. Certaines technologies de pointe sont coûteuses et elles exigent de l'artillerie lourde sur le plan de l'équipement ainsi que des connaissances poussées de la part des étudiants. Ce n'est pas le cas avec CRISPR-Cas et c'est ce qui nous a donné l'idée d'introduire cette technique dans un laboratoire offert aux finissants de premier cycle en microbiologie. La beauté de ce système est qu'il réunit tous les objectifs du programme. Pour faire cette expérience, les étudiants doivent intégrer des connaissances en microbiologie, en virologie, en biochimie, en génétique, en génomique et en bio-informatique.»
Les manipulations que les étudiants doivent effectuer s'inspirent de celles réalisées par l'équipe de Sylvain Moineau pour ses travaux qui ont conduit à une publication dans la revue Science en 2007 et à des publications subséquentes, notamment dans Nature. Cet hiver, ce laboratoire est offert pour la quatrième fois et l'enthousiasme des étudiants ne se dément pas, constate le responsable des travaux pratiques d'enseignement et de recherche, Luc Trudel. «L'idée d'apprendre cette nouvelle technologie allume les étudiants. C'est très stimulant pour eux parce qu'ils ont l'impression de jouer dans la cour des grands. CRISPR est une technologie étonnamment simple considérant sa grande puissance et les finissants ont toutes les connaissances requises pour en faire l'expérience et pour interpréter les résultats.»
L'année dernière, lors d'un congrès international sur CRISPR-Cas qui se déroulait en Israël, Sylvain Moineau a présenté une communication portant sur ce transfert réussi entre le laboratoire de recherche et le laboratoire d'enseignement. «Après ma présentation, plusieurs personnes sont venues me rencontrer pour avoir des détails sur le protocole de l'expérience, raconte-t-il. L'éditeur de Nature Microbiology m'a même invité à publier un commentaire sur le sujet dans sa revue.» Pour répondre à ces demandes, Luc Trudel, Michel Frenette, Sylvain Moineau et leurs collaborateurs ont publié, la semaine dernière, deux articles dans des revues du groupe Nature. Le premier, dans Nature Protocols, présente en détail toutes les étapes à suivre pour réaliser l'expérience. Le second, dans Nature Microbiology, brosse le tableau du potentiel de CRISPR-Cas comme outil de formation au premier cycle.
«Les nouveaux bacheliers en microbiologie arrivent mieux préparés sur le marché du travail ou aux cycles supérieures s'ils maîtrisent les concepts et les techniques de CRISPR-Cas, estime le professeur Moineau. C'est un atout considérable parce que cette technologie est appelée à être utilisée un peu partout dans l'avenir. Les finissants en sciences de la vie, en sciences de la santé, en phytologie ou en sciences animales auraient, eux aussi, intérêt à bien connaître cet outil.»
De son côté, Michel Frenette tire une leçon de cette expérience. «CRISPR-Cas est un puissant outil de recherche, développé en partie grâce aux travaux de l'équipe de Sylvain Moineau. C'est aussi un système que nous avons adapté ensemble pour en faire un outil d'enseignement extraordinaire. Cet exemple illustre bien l'intérêt d'avoir des chercheurs actifs dans un département pour assurer une formation de premier cycle à la fine pointe des connaissances scientifiques.»
L'article paru dans Nature Microbiology est signé par Luc Trudel, Michel Frenette et Sylvain Moineau. Ils ont aussi collaboré à l'article de Nature Protocols, dont les autres signataires sont Alexander Hynes, Marie-Laurence Lemay, Hélène Deveau et Denise Tremblay. Plusieurs de ces auteurs sont membres du Groupe de recherche en écologie buccale.