
— Vanessa Viera
Vanessa Viera, Steeve Côté et leurs collègues français et américain, Pierre Jouventin, René Groscolas et Paul Nolan, arrivent à cette conclusion après avoir étudié une colonie de manchots royaux, formée de 30 000 couples, située sur l'île de la Possession dans l'archipel des Crozet, en région subantarctique. «Le manchot royal est un oiseau marin très agressif qui occupe, en période de reproduction, un petit territoire (0,5 m2) que mâle et femelle défendent activement. Les colonies sont très denses et les oiseaux ont en moyenne plus de 100 interactions à l'heure avec leurs voisins», précise Vanessa Viera.
Le plumage de cet oiseau, identique chez les individus des deux sexes, comporte une zone orangée de chaque côté de la tête, nommée tache auriculaire. La grandeur de cette tache, qui varie de 10 à 24 cm2, est indépendante de la taille de l’oiseau, mais elle semble étroitement liée à son agressivité, rapportent les chercheurs dans un récent numéro de la revue Ethology. En effet, le temps consacré à la défense du territoire, le nombre de mouvements menaçants du bec et le nombre de contacts physiques avec les autres oiseaux augmentent en fonction de la taille de cette tache. Les oiseaux qui arborent une grande tache auriculaire accaparent les sites de nidification situés au centre de la colonie, où ils sont davantage à l’abri des prédateurs, ce qui favorise leur succès reproducteur.
La tache auriculaire est révélatrice de l’agressivité des manchots royaux des deux sexes, explique Vanessa Viera. C’est en quelque sorte une affiche sur laquelle un oiseau indique sa propension à se battre. «Il est dans l’intérêt de tous les manchots de minimiser les combats, parce qu’ils peuvent potentiellement entraîner des blessures, explique-t-elle. La tache auriculaire prévient une partie des interactions agressives parce qu’elle permet aux oiseaux de savoir s’ils ont affaire à un “poids lourd” sans avoir à livrer combat.» Aussi utile soit-il, ce signal n’élimine pas toutes les interactions viriles entre les oiseaux. «L’agressivité est un comportement central et déterminant du succès reproducteur chez cette espèce. Pendant la période de reproduction, un manchot royal passe, en moyenne, 15 % de son temps à se battre», précise l’étudiante-chercheuse.