Plus des trois quarts des onguents corticostéroïdes vendus sous prescription au Canada pour le traitement des dermatites contiennent des produits potentiellement allergènes. C'est ce que révèle une étude qui vient d'être publiée dans le Journal of Cutaneous Medicine and Surgery par Elisabeth A. Labadie et Marie-Claude Houle, de la Faculté de médecine.
Les auteures de l'étude arrivent à ce constat après avoir dressé la liste des ingrédients non médicinaux contenus dans 140 onguents prescrits contre les dermatites au pays. Elles ont ensuite vérifié si ces ingrédients figuraient dans une liste de 28 ingrédients à fort potentiel allergène produite à partir des travaux du North American Contact Dermatitis Group.
Voici leurs principaux constats:
les 140 onguents analysés dans le cadre de l'étude contiennent au total 121 ingrédients non médicinaux;
76 % des onguents contiennent au moins un ingrédient ayant un fort potentiel allergène et 43 % en contiennent deux ou plus;
les composés potentiellement allergènes les plus courants sont le propylène glycol (43%), les parabènes (28%), le chlorocrésol (11%) et les libérateurs de formaldéhyde (7%). Le premier est un véhicule pour la molécule active et il facilite son absorption par la peau. Les autres sont des agents de conservation.
«La présence de composés allergènes dans ces onguents peut avoir deux répercussions, précise Marie-Claude Houle. D’abord, la dermatite pourrait ne pas répondre au traitement. Ensuite, ces allergènes pourraient amplifier le problème. Par exemple, des dermatites qui ne touchaient que le genou au départ peuvent s’étendre à la cuisse et à la jambe», explique la dermatologue surspécialisée en dermatite de contact et codirectrice du programme de résidence en dermatologie de l’Université Laval.
La plupart des médecins et même une partie des dermatologues ne seraient pas au fait du potentiel allergène des onguents corticostéroïdes, croit-elle. «Il s’agit pourtant de médicaments qui sont abondamment prescrits. C’est le traitement de base pour les dermatites et pour d’autres maladies cutanées.»
La professeure Houle reconnaît qu’il est pratiquement impossible pour les pharmaceutiques de fabriquer un onguent corticostéroïde exempt d’allergènes. «Il est toutefois possible de faire mieux. Nous présentons en annexe de notre article scientifique une liste de produits qui contiennent moins d’allergènes.»
La dermatologue invite les médecins à porter une attention particulière à la composition des médicaments qu'ils prescrivent. «De plus, si le patient ne répond pas au traitement ou si son problème s’amplifie, il faut envisager la possibilité que l’onguent soit en cause. Dans certains cas, le problème pourrait être causé par la molécule active elle-même. Il faut en tenir compte en incluant l'onguent dans les tests d’allergie.»