
La comédienne Karen Elkin interprète de Marie de l'Incarnation, dont le buste figure en arrière-plan.
— Denis Boivin
Le 30 août 2019 constitue un jour important dans la vie du cinéaste Denis Boivin. C’est en effet à cette date que s’est terminé aux Studios MELS de Québec le tournage du film Le sang du pélican, le titre faisant référence au symbole ornant la voûte centrale de la chapelle intérieure du monastère des Ursulines. D’une durée de 120 minutes, ce film mi-fictionnel, mi-historique, présente les grandes étapes de la vie de Marie Guyart, qui en religion portait le nom de sœur Marie de l’Incarnation, fondatrice des Ursulines de la Nouvelle-France et du premier établissement d’enseignement destiné aux filles en Amérique.
En parallèle, Denis Boivin traite du départ des Ursulines du monastère du Vieux-Québec, en 2017, vers un nouvel emplacement à Beauport. Son film passe du passé au présent et du présent au passé, dans un va-et-vient à la fois réaliste et poétique. Une manière de pénétrer l’âme de cette grande dame empreinte de mysticisme, dont les élans vers Dieu s’accompagnaient d’une grande bonté envers les humains. Sur le plan historique, Denis Boivin souhaite faire mieux connaître la période allant de 1639 à 1665, un pan de notre histoire méconnu, à son avis.
«L’idée centrale du film est que Marie de l’Incarnation revient à notre époque afin d’aider les moniales à quitter leur demeure de manière plus sereine. C’est elle qui les interroge et qui les fait s’exprimer sur leur histoire, leurs sentiments et leurs émotions», résume Denis Boivin, qui effectue présentement un doctorat en sciences des religions portant sur la spiritualité des Innus du Labrador, sous la supervision de Frédéric Laugrand. Professeur au Département d’anthropologie au moment où Denis Boivin a commencé son doctorat, Frédéric Laugrand enseigne actuellement à l’Université Catholique de Louvain, en Belgique.
Denis Boivin raconte avoir depuis longtemps en tête l’idée de faire un film sur Marie de l’Incarnation, première femme missionnaire en Amérique. Des problèmes de financement l’en ont empêché durant des années avant qu’il puisse aller de l’avant avec son projet, il y a trois ans. «En 2017, lorsque les Ursulines ont annoncé qu’elles quittaient leur monastère, l’atmosphère ne se prêtait pas vraiment à un tournage», confesse-t-il. Après avoir attendu près de six mois, le temps que les plaies se referment un peu, Denis Boivin écrit une lettre aux religieuses, dans laquelle il leur parle de ses intentions de réaliser un film sur elles avant leur départ, en parallèle avec la vie de Marie de l’Incarnation. Cinq d’entre elles répondent favorablement à son appel. C’est le début d’une grande aventure.

Les sœurs Marguerite Chénard, Pauline Duchesne et Suzanne Pineau, laquelle joue son propre rôle dans le film, entourées de Karen Elkin et de Denis Boivin.
— Denis Boivin
Karen Elkin, une comédienne qu’on a pu voir dans plusieurs séries québécoises et plus récemment dans la populaire série Fugueuse, interprète le personnage de Marie de l’Incarnation. Gravitent autour d’elle une dizaine de comédiens et comédiennes, dont la majorité proviennent de Québec. Parmi ceux-ci, on retrouve Marie-Josée Bastien (Madame de la Peltrie), Marie-Ginette Guay (sœur Angélina), Jean-Jacqui Boutet (Dom François) et Jack Robitaille (Gouverneur Mésy). Jouant son propre personnage y figure aussi sœur Suzanne Pineau, «qui mériterait un prix pour le meilleur rôle de soutien», assure Denis Boivin. Le compositeur, arrangeur et orchestrateur de renom Gilles Ouellet signe la musique du film et Bruno Carrière en assure la direction photo.
On aura compris que Denis Boivin a pour Marie de l’Incarnation une admiration sans bornes. «Les nouveaux arrivants qui débarquaient à Québec dans les années 1640 à 1665 voulaient tous rencontrer Marie de l’Incarnation, insiste-t-il. Ils savaient qu’il pouvait lui faire confiance et qu’elle pouvait leur donner l’heure juste quant à la situation qui prévalait à Québec. Aujourd’hui, on parlerait d’un brainstorming!» Autre motif d’admiration pour cette femme née à Tours en 1599 et décédée à Québec en 1672: l’enseignement aux Autochtones dans leur propre langue, Marie de l’Incarnation s’étant fait un devoir d’apprendre leurs langues pour communiquer efficacement avec eux.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, Denis Boivin ignore encore la date de sortie du film. Ce sera peut-être en mai ou en septembre, à moins qu’il ne soit diffusé lors d’un festival ou d’un événement spécial, soutient Denis Boivin. Mais c’est une mission accomplie pour le cinéaste qui s’est investi corps et âme dans ce projet financé par le Fonds MELS (pour la postproduction), Téléfilm Canada, la Ville de Québec (Programme des grands événements) et la communauté religieuse des Ursulines.
Cinéaste résolument indépendant, Denis Boivin a signé des dizaines de documentaires et de films de fiction, dont plusieurs ont reçu des prix à l’étranger. Dans cette liste figure Le Pardon (1992), un film coup de poing qui met l’accent sur le pardon que des parents ont accordé aux deux individus ayant violé et assassiné leur fille en 1979.

Une partie de la distribution du film Le sang du pélican
— Bruno Carrière