
Le sort du clocher de l'église Saint-Sauveur, démonté d'urgence alors qu'il menaçait de tomber, est pour le moins incertain. Des discussions sont en cours entre le conseil de fabrique, la Ville de Québec et le gouvernement pour savoir ce qu'il adviendra de la structure.
«Pour faire des choix éclairés en matière de conservation, il faut bien connaître les bâtiments et leur histoire, insiste Marc Grignon, professeur au Département des sciences historiques. Or, de ce point de vue là, il y a un manque important à gagner. Plusieurs églises datant de 1860 à 1920, soit celles que l'on trouve principalement dans le paysage architectural, ont été très peu étudiées. Il faut approfondir nos connaissances sur cette période afin de mieux évaluer l'importance relative de chacun des bâtiments.»
Le 18 avril, au pavillon Charles-De Koninck, la journée d'étude «(Re) connaissance de l'architecture des églises au Québec» visait à mettre en commun les travaux de recherche dans ce domaine. Il s'agissait de la première activité publique organisée par Marc Grignon et Luc Noppen, professeur à l'Université du Québec à Montréal, dans le cadre d'un partenariat de recherche. Issus de diverses universités, plusieurs conférenciers étaient sur place pour croiser leurs connaissances.
Marc Grignon a présenté les recherches qu'il mène sur Georges-Émile Tanguay. Cet architecte, connu pour son travail dans le milieu municipal (l'hôtel de ville de Québec, c'est lui), a aussi conçu de magnifiques églises. Entre autres, l'église Sainte-Angèle-de-Saint-Malo dans le quartier Saint-Sauveur est un pur bijou, selon le professeur. «C'est un bâtiment qui est fascinant. L'église se distingue par le choix des matériaux, que ce soit la brique utilisée pour le parement ou la pierre de taille servant à marquer les points structuraux, comme les retombées des arches. Un autre élément intéressant est la correspondance entre les volumes et les fonctions du bâtiment. C'est comme si chaque fonction importante de l'église avait été associée à un volume particulier. Ce bâtiment est le résultat d'une recherche inspirée des idées qui circulaient à l'époque sur une approche plus rationnelle et moins décorative de l'architecture.»
Pas très loin de l'église Sainte-Angèle-de-Saint-Malo se trouve sa grande sœur, l'église Saint-Sauveur. Œuvre de Joseph-Ferdinand Peachy, le maître de Georges-Émile Tanguay, ce bâtiment est un autre bel exemple d'architecture de la fin du 19e siècle. «Cette église marque les débuts d'un style qui sera assez important, celui du néo-roman. Joseph-Ferdinand Peachy et Georges-Émile Tanguay font partie de ces architectes qui ont cherché à créer de nouvelles formes à connotation historique, culturelle et religieuse. Saint-Sauveur représente le début de cet intérêt pour autre chose que le style gothique qui existait dans l'architecture des églises.»
Malheureusement, comme bien des lieux de culte, cette église a son lot de problèmes. Le plus criant est sans doute son clocher, démonté d'urgence en 2017 alors qu'il menaçait de tomber. Depuis, l'imposante structure repose sur le parvis de l'église et plusieurs scénarios sont envisagés pour la remplacer, dont une œuvre d'art public. Une solution que le professeur accueille avec un brin de scepticisme. «Je ne suis pas un partisan de la conservation intégrale à tout prix, mais je crois qu'il faudrait que la solution retenue soit compatible avec le fait que c'est une église. J'aime bien l'œuvre d'art qui a été réalisée sur le clocher de l'ancienne église Saint-Esprit de Limoilou, qui est devenue l'École de cirque, mais je ne verrais pas la même approche avec l'église Saint-Sauveur. Il s'agit d'un lieu ouvert au culte. Jusqu'à récemment, son clocher marquait le paysage d'une façon assez importante», dit-il.
Pour le chercheur, le sauvetage de nos églises dépend d'une foule de facteurs. Outre l'aspect économique, incontournable, il y a notre capacité à faire preuve de créativité. «En général, on manque d'idées sur ce qu'il faut faire avec nos églises. C'est le cas notamment de l'église Saint-Jean-Baptiste, fermée depuis 2015. L'important est d'être ouvert aux possibilités de conversion des nouveaux usages. C'est ainsi que nous arriverons à conserver les bâtiments qui méritent d'être mis en valeur tout en respectant leur fonction initiale», conclut-il.