
Mélissa Verreault avec son livre qui vient de paraître dans la collection Quai n°5 aux éditions XYZ.
— Yan Doublet - Université Laval
Mélissa Verreault a l'art de raconter des histoires qui marquent les esprits. Ça, on le savait déjà. Il suffit d'ouvrir son roman La nébuleuse de la Tarentule – finaliste au Prix des cinq continents 2025 – ou encore de parcourir ses traductions fort réussies de Shut Up You're Pretty et de Small Game Hunting at the Local Coward Gun Club, qui lui ont valu éloges et distinctions.
Avec Maman Cheval, l'enseignante en création littéraire à l'Université Laval révèle une nouvelle facette de son talent: celle d'illustratrice. Ce roman graphique, paru dans la collection Quai n°5 aux éditions XYZ, raconte l'histoire d'une fillette de six ans, Sophie, qui subit les conséquences de la dépression de sa mère.
Dans ce livre magnifiquement illustré, les tourments prennent la forme d'animaux: la mère de Sophie arbore une tête de cheval, image saisissante de la dépression qui la ronge. Lion, poisson, oiseau et chien traduisent les émotions et les fragilités des autres personnages.
L'idée de ce récit, raconte Mélissa Verreault, est née de façon inattendue: «La première chose qui m'est venue, c'est le titre. J'étais en séance de méditation, une musique en sanskrit jouait. Je ne comprenais pas les paroles, mais j'ai cru entendre Maman Cheval en boucle. De là est venue l'image d'une mère avec une tête de cheval. Assez vite, je l'ai associée à une femme dépressive dont l'enfant, dans toute sa résilience, crée un monde autour de cette maladie.»

Pour Mélissa Verreault, il s'agit d'une première incursion dans l'univers de l'illustration. L'autrice, qui a découvert les possibilités qu'offrent une tablette graphique, s'amuse d'ailleurs de la surprise de ses lecteurs. «Plusieurs sont étonnés d'apprendre que je dessine, d'autres cherchent le nom de l'illustrateur sur la couverture. J'adore ce genre de réaction! Après 15 ans dans le milieu littéraire, arriver avec une proposition inattendue, c'est un vrai plaisir.»
Malgré le regard onirique du personnage de Sophie, les problèmes bien concrets du monde adulte demeurent présents dans le récit. L'histoire, narrée par la fillette, est entrecoupée de fragments du quotidien des grands – lettres, courriels, textos, formulaires médicaux, signet funéraire, etc. –, autant de rappels des réalités plus sombres qui entourent l'enfance.
Ce tissage délicat entre candeur et drame fait la force de Maman Cheval, où la poésie de l'enfance côtoie la douleur des adultes. Outre la dépression, le livre aborde la mort, la religion, l'infidélité, le manque d'argent, des thèmes qu'on associe habituellement au monde des grands.
Pour l'autrice, il n'y a aucun sujet tabou avec les enfants. «Les enfants vivent dans le même monde que nous. Vouloir les protéger en leur cachant certaines réalités, c'est souvent reporter un problème. Ils sentent quand on leur ment. Même s'ils n'ont pas forcément les mots pour nommer les choses, ils les voient.»
Retrouver la petite fille en soi
Mère de triplées, Mélissa Verreault a puisé dans son quotidien et dans sa propre enfance pour adopter la voix d'une fillette de six ans. Chez Sophie, les mots deviennent un terrain de jeu: elle utilise des mots et des expressions qu'elle ne comprend pas toujours, mais qu'elle réinvente à sa manière.
«La petite Mélissa que j'ai été n'est jamais très loin. J'ai une capacité à me replonger dans cette vision du monde. Les jeux de mots, c'est un peu ma marque de commerce. J'ai d'ailleurs transmis ce gêne à mes filles», confie l'autrice en riant.
Mais au-delà de ce plaisir du langage, elle y voit une leçon de vie: celle que les enfants peuvent donner aux adultes. «Il faut faire confiance à leur capacité de compréhension. On a souvent tendance à leur plaquer notre propre vision du monde, à leur dire: “c'est comme ça qu'il faut voir les choses”. En réalité, on gagnerait à faire l'inverse: les écouter. Dans les moments de bouleversement ou de crise, les enfants ont une façon d'accueillir le réel sans le suranalyser. Ils voient encore le beau, ils acceptent les choses telles qu'elles sont. C'est exactement ce que fait Sophie: elle accepte que sa mère ait une tête de cheval.»

En plus d'être autrice, traductrice et maintenant illustratrice, Mélissa Verreault est chargée de cours au Département de littérature, théâtre et cinéma ainsi qu'au Département de langues, linguistique et traduction.
— Yan Doublet - Université Laval
De la voix des enfants à celle des étudiants
L'entrevue avec Mélissa Verreault au sujet de son livre s'est déroulée à sa sortie d'un cours qu'elle venait de donner à l'Université Laval. Elle était encore habitée par l'énergie du moment. «Mes étudiants sont hyper motivés, curieux, impliqués. On a jasé pendant trois heures sans même prendre de pause. C'était fabuleux», raconte-t-elle, visiblement galvanisée par ces échanges.
Chargée de cours depuis 10 ans, elle enseigne la création littéraire, la littérature et, plus récemment, la traduction littéraire.
Ce rôle d'enseignante, elle ne le changerait pour rien au monde. «Ce qui m'allume, c'est que j'apprends constamment. Les discussions avec mes étudiants me redonnent foi en l'avenir et m'empêchent d'être cynique. Quand je les vois remettre le monde en question, vouloir agir concrètement, je me dis qu'il y a de l'espoir. Je ne peux pas être désespérée. L'enseignement, c'est un beau cadeau que je me fais.»






















