22 octobre 2025
Politiques migratoires: chute de 41% des inscriptions internationales
L'Université Laval subit de lourds dommages réputationnels à l'international avec l'application des nouvelles politiques migratoires du gouvernement du Québec, en plus de celles déjà prescrites par Ottawa

Jean-Benoît Tremblay, registraire, François Gélineau, vice-recteur aux affaires internationales et au développement durable, responsable de l'EDI et de la philanthropie, Sophie D'Amours, rectrice, et André Darveau, vice-recteur exécutif et vice-recteur aux ressources humaines et aux finances, ont présenté un résumé du mémoire de l'Université Laval en commission parlementaire le 21 octobre.
«Depuis deux ans, les règles entourant l'émission et le renouvellement des certificats d'acceptation du Québec (CAQ) et les quotas imposés par le gouvernement québécois ont créé une insécurité supplémentaire chez les personnes étudiantes de l'international. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: les nouvelles inscriptions internationales ont chuté de 41% depuis 2023, passant de 1740 à 1024 à l'automne 2025. Depuis un an, nous avons connu une baisse de 60% des demandes d'admission de l'international.»
C'est le message transmis mardi par la rectrice de l'Université Laval, Sophie D'Amours, lors de son passage en commission parlementaire dans le cadre de la consultation générale et des auditions publiques sur le cahier de consultation intitulé La planification de l'immigration au Québec pour la période 2026-2029.
Des craintes qui se concrétisent
C'est dire que les craintes manifestées à l'automne 2024 en commission parlementaire se concrétisent. La rectrice avait demandé une exemption des établissements d'enseignement universitaire du projet de loi 74, visant à réduire le nombre d'étudiantes et d'étudiants de l'international.
«Cette baisse affecte directement notre mission et notre rayonnement à l'international et dans la francophonie», déplore Sophie D'Amours, qui rappelle que dans certains programmes de cycles supérieurs, les étudiantes et les étudiants de l'international représentent jusqu'à 70% des effectifs. Elle juge leur présence essentielle au fonctionnement des laboratoires, à la production scientifique et à l'innovation.
De plus, ajoute-t-elle, leur contribution se répercute sur l'économie québécoise. Dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre, leur apport est crucial dans des secteurs stratégiques comme la santé, l'éducation, le génie et les technologies de l'information.
Les chambres de commerce de Québec et du Grand Lévis rappelaient au printemps que ces personnes étudiantes constituent un bassin précieux de ressources humaines, alors que 13 000 postes étaient vacants dans ces régions.
Des projets de recherche paralysés
Les conséquences des politiques actuelles se font sentir concrètement dans les laboratoires. La rectrice donne en exemple la situation vécue par Janani Sivarajah, professeure titulaire de la Chaire de recherche sur l’arbre urbain et son milieu. Elle a attendu un an et demi une personne candidate de l'international au doctorat après trois refus de visa. Ce retard a freiné ses travaux et illustre la fragilité du système actuel.
D'autres chercheuses et chercheurs rapportent des projets retardés ou abandonnés faute de pouvoir recruter à l'international. Pour contourner l'écueil, Sylvie Daniel, professeure et directrice du Département des sciences géomatiques, limite maintenant le recrutement aux candidatures déjà présentes au Canada, ce qui réduit considérablement le bassin de talents.
Une perte de compétitivité face aux autres provinces
Le Québec perd aussi du terrain dans la compétition canadienne. «Alors que l'accès au permis de travail et à la résidence permanente est plus facile dans les provinces voisines, le Québec impose des démarches supplémentaires comme le Certificat de sélection du Québec (CSQ), souvent perçu comme un obstacle», illustre Sophie D'Amours.
Le Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ), censé compenser la suspension du Programme de l'expérience québécoise (PEQ), ajoute à l'incertitude. L'absence de prévisibilité dans les critères d'invitation rend difficile la planification d'un projet d'études et d'immigration.
L'Université Laval propose plusieurs mesures pour inverser la tendance: exclure les étudiants des programmes de recherche aux cycles supérieurs de toute forme de quota, relancer le Programme de l'expérience québécoise (PEQ) – volet diplômés, soutenir la francisation par l'enseignement supérieur et favoriser une régionalisation équitable de l'immigration.
Mieux outiller les universités
Si le gouvernement maintient ses cibles, il devra mieux outiller les universités pour assurer un suivi adéquat, sans les transformer en agences de contrôle migratoire. «Les universités doivent être reconnues comme des partenaires de confiance», insiste la rectrice, qui réclame des politiques stables, des communications claires et un engagement renouvelé à l'égard de l'internationalisation de l'enseignement supérieur.
Le recrutement international est devenu un défi majeur: quotas, délais administratifs et affaiblissement de l'image du Québec compliquent les efforts des établissements. La réduction des moyens des représentations du Québec à l'étranger limite aussi leur capacité à rayonner.
Pour maintenir la compétitivité, le gouvernement doit bonifier les ressources des délégations et des universités afin de soutenir le recrutement des meilleurs candidats. «Sans appui institutionnel, nous perdons du terrain. Le Québec risque de voir s'éroder son potentiel d'innovation et sa place sur la scène mondiale. C'est sûr qu'on veut travailler avec le gouvernement pour trouver des solutions», a conclu Sophie D'Amours, lors d'un échange avec le ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration, Jean-François Roberge.
Consulter le mémoire (PDF) déposé à la commission parlementaire le 21 octobre
La rectrice Sophie D'Amours a poursuivi la discussion avec le ministre Jean-François Roberge au terme de la présentation.
Visionnez le résumé du mémoire de l'Université Laval présenté à la commission parlementaire le 21 octobre dernier.
— Assemblée nationale du Québec





















