14 mars 2025
Alimentation intuitive: pas de lien évident avec la qualité de l'alimentation
Cette approche, qui vise à établir une relation positive avec la nourriture, pourrait toutefois être un précieux complément aux interventions portant sur la qualité de l'alimentation

— Getty Images
L'alimentation intuitive est une approche positive de l'alimentation qui consiste à manger sans jugement ni règle, tout en reconnectant nos envies avec les signaux de faim et de satiété que notre corps nous envoie. Très populaire présentement chez les nutritionnistes, cette approche est-elle garante d'une alimentation de meilleure qualité? Pas nécessairement, si on en juge par une étude qu'une équipe de recherche de l'Université Laval a publiée récemment dans la revue Appetite.
L'équipe de recherche arrive à cette conclusion grâce à des données récoltées chez 1088 personnes qui ont accepté de remplir des questionnaires portant sur leur alimentation et de se livrer à différents tests mesurant des indicateurs de santé physique. Leurs réponses ont permis de calculer, d'une part, un indice de qualité alimentaire estimant dans quelle mesure leurs choix respectaient les recommandations du Guide alimentaire canadien, et d'autre part, un indice d'alimentation intuitive.
«L'alimentation intuitive n'est pas un tout ou rien. Il y a un continuum et l'indice reflète dans quelle mesure les comportements alimentaires d'une personne correspondent aux principes de cette approche», précise la responsable de l'étude, Élise Carbonneau, professeure à l'École de nutrition et chercheuse au Centre NUTRISS et à l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels.
L'analyse des données a révélé qu'il n'y avait pas de lien clair entre l'indice de qualité alimentaire et l'indice d'alimentation intuitive. Par ailleurs, exception faite du tour de taille et de l'indice de masse corporelle, il n'y avait pas d'association entre les indicateurs de santé physique et l'indice d'alimentation intuitive.
«Nous avons été un peu surpris par ces résultats, admet la professeure Carbonneau. Ils mettent en relief le fait que l'alimentation intuitive est un vaste concept qui inclut plusieurs composantes différemment associées à la qualité de l'alimentation.»
Une approche ésotérique?
La chercheuse, qui s'intéresse à l'alimentation intuitive depuis plus d'une décennie, croit tout de même aux mérites de cette approche. L'alimentation intuitive a été mise au point dans les années 1990 par deux nutritionnistes américaines en réponse aux régimes amaigrissants reposant sur des restrictions qui ne donnent pas de résultats durables, qui entraînent les personnes dans des diètes à répétition et qui engendrent beaucoup de frustrations.
«L'alimentation intuitive n'est pas centrée sur la perte de poids, rappelle-t-elle, même si elle a été récupérée en ce sens par des personnes qui voulaient profiter de sa popularité. Par ailleurs, elle ne devrait pas être considérée uniquement comme une façon d'améliorer la qualité de l'alimentation. Son objectif est le développement de comportements alimentaires qui favorisent le plaisir et la santé physique et psychologique. Il y a une complémentarité entre l'alimentation intuitive et la qualité de l'alimentation.»
— Élise Carbonneau
On croit, à tort, que cela conduira les gens à consommer continuellement des aliments riches en gras, en sucre et en sel, poursuit-elle. «C'est faire abstraction du fait que l'on sait comment on se sent après avoir mangé de tels aliments et comment on se sent après avoir mangé un repas équilibré. Faire des choix alimentaires intuitifs n'exclut pas la possibilité de tenir compte de nos expériences personnelles.»
L'étude publiée dans Appetite est signée par Thomas Sire, Noémie Carbonneau, Simone Lemieux et Élise Carbonneau.