
Les réserves de graisse accumulées par les femelles à l'automne influencent fortement le nombre de petits qu'elles mettront au monde. La nourriture à laquelle elles ont accès pendant cette période est cruciale, peu importe si elle provient d'habitats naturels, de champs de maïs ou de graminés, d'arbres fruitiers, de dépotoirs ou de poubelles.
— Getty Images/Katherine Davis
Contrairement à bien des espèces animales dont l'avenir semble incertain en raison des impacts causés par les activités humaines, l'ours noir semble avoir des jours plutôt radieux devant lui. C'est ce que porte à croire une étude publiée récemment dans la revue Ecological Monographs par une équipe du Département de biologie de l'Université Laval et du ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les Changements Climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP).
Cette équipe a effectué une analyse détaillée de 94 études réalisées sur des populations d'ours noirs réparties depuis le sud des États-Unis jusqu'aux régions arctiques du continent. «Nous voulions comprendre comment les variations dans les caractéristiques de l'habitat et dans le niveau de perturbations anthropiques affectaient la reproduction et la survie de l'ours noir sur ce vaste territoire», explique Sandra Hamel, professeure au Département de biologie de l'Université Laval.
Les analyses ont montré que les femelles commencent à se reproduire à 4 ans plutôt qu'à 5 ans dans les habitats de qualité élevée, plus productifs ou ayant un indice de population humaine élevé (un indicateur de l'abondance de nourriture de source anthropique). D'autre part, les femelles qui profitent d'un habitat ayant une proportion élevée de forêts décidues – là où poussent des arbres qui produisent des fruits durs comme les glands, les noix et les faînes consommés en abondance par les ours à l'automne – ont une portée 13% plus grande que les femelles qui utilisent des habitats où ces forêts sont peu abondantes.
Par ailleurs, le taux de survie des oursons, qui est de 60% dans les régions où la superficie de champs en culture est faible, passe à 73% dans les régions où cette superficie est élevée. Enfin, le taux de survie annuel des femelles adultes, qui est de 92% dans les zones sans chasse, descend à 85% là où la chasse est permise.
Qu'est-ce que cela laisse présager pour les populations d'ours noirs du Canada et des États-Unis? «La reproduction des femelles dépend fortement de la quantité de réserves de graisse qu'elles accumulent à l'automne, rappelle la professeure Hamel. La nourriture à laquelle elles ont accès pendant cette période est cruciale, peu importe si elle provient d'habitats naturels, de champs agricoles (l'ours noir consomme, entre autres, du maïs, du blé, de l'avoine et de l'orge), d'arbres fruitiers, de dépotoirs ou de poubelles. L'empiètement des activités humaines sur les habitats de l'ours noir pourrait augmenter son accès aux sources anthropiques de nourriture et favoriser sa reproduction.»
— Sandra Hamel
Une espèce très adaptable
Au Québec, la population d'ours noir se situe quelque part entre 70 000 à 75 000 individus. Entre 4500 et 6000 ours sont récoltés chaque année par des chasseurs (85%) ou par des trappeurs (15%). Somme toute, les effectifs de cette espèce sont demeurés relativement stables au cours des dernières années.
«Le nombre de signalements d'ours par la population ne suit pas de tendances temporelles, mais il existe une grande variation entre les années, souligne Christian Dussault, chercheur au MELCCFP et professeur associé au Département de biologie de l'Université Laval. Lors des années de disette alimentaire, les ours sont plus mobiles et certains ont tendance à se rapprocher davantage des milieux habités.»
Tout compte fait, l'avenir de l'ours noir s'annonce plutôt positif, estime Sandra Hamel, du moins à court et à moyen terme. «C'est une espèce très adaptable qui déploie des stratégies lui permettant de vivre dans des habitats qui vont des forêts subtropicales jusqu'à la toundra. Le fait que l'ours noir semble si bien s'accommoder des changements environnementaux causés par les activités humaines fournit une nouvelle démonstration de sa grande adaptabilité.»
L'étude publiée dans Ecological Monographs est tirée des travaux effectués par Lisyanne Metthé dans le cadre de sa maîtrise effectuée au Département de biologie de l'Université Laval. Elle est maintenant chercheuse au MELCCFP. Les autres signataires de l'étude sont Christian Dussault et Sandra Hamel.