Après un Baromètre de l'action climatique pour la population québécoise, en voilà un pour la communauté de l'Université Laval. Ce rapport réalisé par le Groupe de recherche sur la communication marketing climatique, sous la direction de Valériane Champagne St-Arnaud, brosse le portrait d'un campus préoccupé par les enjeux climatiques, mais également engagé dans sa lutte.
L'enquête, menée auprès de 1551 membres de la population universitaire en octobre 2023, suggère une plus grande préoccupation que dans la population générale. En effet, 85% des personnes sondées se perçoivent comme étant très préoccupées par les problèmes environnementaux, comparativement à 75% pour les Québécoises et Québécois. Le Baromètre montre également que les trois quarts des membres de la communauté universitaire vivent aussi davantage d'émotions négatives liées à la crise climatique, comme de l'impuissance, de la peur et de la culpabilité.
Selon Valériane Champagne St-Arnaud, professeure à la Faculté des sciences de l'administration, une bonne compréhension des enjeux climatiques pourrait être en cause. «Plus une personne est informée, plus elle tend à être préoccupée. Cette connaissance approfondie peut alourdir le fardeau psychologique et émotionnel face à la crise, particulièrement en raison d'une conscience aiguë de l'urgence d'agir et des conséquences grandissantes de l'inaction», explique-t-elle.
Des gestes individuels pour le climat
La chercheuse soutient qu'un bon niveau de compréhension augmente généralement la volonté d'agir pour le climat. Selon les résultats du sondage, 9 personnes sur 10 affirment adopter des gestes pour le climat et la grande majorité aimerait en faire davantage.
«Cette compréhension approfondie permet non seulement de mieux saisir l'ampleur de la crise, mais aussi de comprendre les actions possibles pour y faire face, tant à l'échelle individuelle que collective. Cependant, le seul fait de savoir ne garantit pas le passage à l'action, prévient la professeure. Des barrières persistent malgré tout, comme le poids des habitudes et les contraintes objectives, telles que l'absence d'un système de transport collectif efficace, comme c'est le cas dans certaines zones de la communauté urbaine de Québec.»
La population universitaire se distingue de la population québécoise à l'égard de trois gestes en particulier, considérés comme très efficaces pour réduire son empreinte climatique, soit composter, minimiser l'utilisation du véhicule à essence et minimiser la consommation de viande.
Près des trois quarts des membres de la communauté universitaire compostent, comparativement à 56% au sein de la population générale. L'équipe de recherche suggère que le fait de disposer d'un système de récupération des matières organiques à l'Université Laval contribue à ces bonnes pratiques de tri des matières résiduelles.
Pour les déplacements, 59% des membres de la communauté universitaire choisissent des modes de transports autres que la voiture à essence, comme l'autobus ou le vélo, ou utilisent un véhicule électrique. Ce pourcentage atteint 49% pour la population générale.
À l'Université Laval, une personne sur deux affirme limiter sa consommation de viande, alors que cette proportion est de 42% dans la population québécoise. L'offre alimentaire diversifiée sur le campus peut favoriser ce comportement, selon l'équipe du Baromètre.
Des actions sur le campus
Au-delà des gestes individuels, près de la totalité des membres de la communauté de l'Université Laval interrogés estiment que le Québec a la capacité d'agir contre les changements climatiques, mais seulement 21% croient que le Québec agit efficacement. Cet écart entre la «perception de la capacité à agir» et «le passage à l'action» suggère que la communauté est particulièrement exigeante envers la plupart des acteurs à l'égard des changements climatiques.
D'ailleurs, une personne sur deux croit que l'Université Laval devrait s'activer davantage dans la lutte contre les changements climatiques. Le questionnaire a mis de l'avant cinq exemples de mesures, proposés par le vice-rectorat aux affaires internationales et au développement durable (VRAIDD), qui pourraient être mises en œuvre à l'échelle du campus pour atténuer les émissions de GES.
Les membres de la communauté universitaire sont majoritairement favorables aux mesures qui leur ont été soumises, ce qui suggère une reconnaissance de l'action climatique sur plusieurs fronts. Les mesures les moins restrictives reçoivent le plus d'appui. Par exemple, 93% soutiennent l'idée de développer un guide des bonnes pratiques pour réduire l'empreinte carbone liée aux déplacements, 83% pensent qu'il est pertinent de limiter la climatisation et le chauffage dans les bâtiments. Les plus contraignantes sont moins populaires. C'est le cas de l'ajout d'une prime obligatoire de compensation carbone à l'achat d'une vignette de stationnement, par exemple, pour laquelle 61% des personnes étaient en accord.
«Plusieurs raisons expliquent pourquoi les mesures les plus contraignantes reçoivent le moins d'appui. De nombreuses personnes apprécient leur style de vie actuel et ne sont pas prêtes à accepter des changements majeurs, qu'elles perçoivent comme des sacrifices», explique Valériane Champagne St-Arnaud.
Un rôle de leader
La professeure observe toutefois que la communauté universitaire est plutôt engagée dans l'action climatique. «Elle peut jouer un rôle de leader dans la grande région de Québec en inspirant d'autres acteurs à emboîter le pas. Cependant, des progrès restent à faire. L'urgence climatique exige des changements radicaux des styles de vie de la population: plusieurs actions peuvent être mises en œuvre sur le campus pour stimuler ces changements!»
Le projet, mené en collaboration avec le VRAIDD, s'inscrit dans le chantier L'ambition climatique du Plan institutionnel ULaval 2023-2028. Son objectif est de fournir des balises pour guider les cibles d'action climatique de la communauté universitaire. Cette enquête contribue également au projet de recherche Urbi-GES financé par Environnement et Changement climatique Canada.