26 novembre 2024
COP 29 sur les changements climatiques: retour et apprentissages de la délégation étudiante
Quatre doctorantes de l'Université Laval ont participé à la COP 29, à Bakou, une expérience qui teinte leurs sujets de recherche, de la construction de bâtiments aux droits des peuples autochtones
«Impressionnant», «déstabilisant», «motivant», voici les mots utilisés par les étudiantes de la délégation de l'Université Laval pour décrire leur expérience à la COP 29, à Bakou, en Azerbaïdjan. Marie-Pier Trépanier, doctorante en génie mécanique à la Faculté des sciences et de génie, et Sarah Lajeunesse, doctorante en études internationales à l'École supérieure d'études internationales, ont participé à la première semaine de l'événement. Elles ont été suivies, pour la deuxième semaine, de Natalia Serrano, doctorante en droit à la Faculté de droit, et Katherine Robitaille, doctorante en management à la Faculté des sciences de l'administration.
L'apport à la recherche
Elles ont été choisies parmi 23 candidatures, notamment pour la pertinence de leurs intérêts et leurs sujets de recherche en lien avec la COP 29.
Marie-Pier Trépanier développe une aide pour la prise de décisions lors de travaux de rénovation ou de constructions neuves dans le bâtiment résidentiel, en considérant l'effet des changements climatiques. La justice énergétique, un aspect important de son projet doctoral, est un sujet qui a été abordé à la COP 29. «J'ai remarqué que la justice énergétique se joue à plusieurs échelles. Les priorités varient entre les pays selon leurs vulnérabilités et leurs ressources. Au sein d'un même pays, les inégalités persistent entre les différentes communautés et les individus, notamment les plus précaires. Ces échanges ont souligné l'importance d'adapter les solutions aux réalités de chaque contexte pour garantir une transition équitable.»
Sarah Lajeunesse, elle, s'intéresse à l'émergence des discours sur la migration climatique pour comprendre comment le sujet est abordé dans les discussions internationales et nationales d'un point de vue juridique, politique et médiatique, influençant ultimement l'expérience réelle de ce groupe de personnes. «Il y a plusieurs fronts en même temps qui discutent un peu du même sujet, mais de façons un peu différentes. C'est un sujet très interdisciplinaire et éclaté, décrit-elle. La COP m'a permis de faire un pont entre tous ces narratifs, de mettre toutes les pièces du puzzle ensemble.» C'était une occasion unique pour elle de voir des discussions entre des ONG, des acteurs politiques, des organisations internationales, la société civile et même des déplacés climatiques.
«Un cours de géopolitique avancé»
Natalia Serrano, pour sa part, s'intéresse aux droits des peuples autochtones sous l'angle de l'inclusion et de la protection dans le cadre des accords de libre-échange et de la protection des investissements étrangers, dont certains intègrent des objectifs de l'Accord de Paris. Sa participation à la COP 29 lui a permis d'analyser la représentation internationale des peuples autochtones dans le cadre de négociation climatique. «L'Accord de Paris reconnaît les savoirs ancestraux et les populations autochtones comme des acteurs clés dans la lutte climatique, puisqu'ils ont des relations très durables avec leur territoire.» Elle compare son expérience à un cours de géopolitique avancé, concentré en une semaine. «On lit sur ces négociations, mais c'est une occasion magnifique de voir cette dynamique d'inclusion des minorités dans des sphères internationales».
Katherine Robitaille, qui avait aussi participé à la COP 28 en 2023, s'intéresse à l'organisation des projets de coopération climatique internationale sous une perspective féministe intersectionnelle. La COP29 a été l’occasion d’assister aux négociations des prochaines étapes du programme de travail de Lima relatif au genre, qui soutient l’égalité entre les genres et encourage l'intégration de données ventilées par genre et par âge dans les actions climatiques. L'intersectionnalité, qui analyse les différentes formes d'oppression et les rappors de pouvoir, était au cœur du sujet. «C'est important de reconnaître que la crise climatique n'affecte pas tout le monde de la même façon et qu'il faut adapter les solutions et les idées.» Sa participation a engendré un questionnement sur son rôle comme future chercheuse. «Comment est-ce que je peux avoir un impact à l'international et ici, au Québec? Comment est-ce que je peux faire de la recherche au service des transformations sociales en matière de climat?»
Une proximité formatrice
Durant leur participation à la COP 29, les quatre doctorantes ont rencontré de nombreux experts de différents domaines. «C'était bien de voir à quel point c'est multidisciplinaire, avec des opinions de partout. Ça montre l'importance de la diversité», souligne Marie-Pier Trépanier.
Katherine Robitaille souligne également l'accessibilité aux autorités ministérielles. «À l'extérieur des COP, c'est difficile d'avoir des rencontres pour présenter des projets de recherche, mais là on peut dialoguer.» Elle a aussi eu l'occasion de rencontrer la secrétaire adjointe du secrétariat du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et des représentantes et représentants de la société civile au Bénin où elle fera son terrain de recherche de thèse doctorale. «On a échangé nos contacts et je vais pouvoir les interviewer.»
«Il y avait tous les leaders autochtones, je me sentais comme à Hollywood! lance de son côté Natalia Serrano. J'étais dans la même salle que Hindou Marou Ibrahim, présidente de l'Association des Femmes peules et des peuples autochtones du Tchad, et j'ai vu la ministre de l'Environnement et du Développement durable de la Colombie qui présidait la COP16.» Cette proximité a été très formatrice, dit-elle. «Voir des peuples autochtones des Philippines avec des peuples autochtones de l'Amérique latine parler de la même chose, ça m'aide beaucoup pour mes recherches. J'avais peur de simplifier les problèmes, mais on voit qu'il y a des enjeux communs.»
Les quatre doctorantes reviendront sur leur expérience lors d'une table ronde le 10 décembre à 12h et échangeront sur les leçons à retenir de la COP29. L'événement sera animé par Paule Halley, professeure à la Faculté de droit et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit de l'environnement.
La participation à la délégation découle d'une collaboration entre l'Institut en environnement, développement et société (Institut EDS), le vice-rectorat aux affaires internationales et au développement durable (VRAIDD), l'École supérieure d'études internationales (ESEI) et des membres du corps professoral de l'Université Laval, ainsi que d'un soutien financier provenant notamment du Bureau international, du VRAIDD, des facultés respectives et du Réseau universitaire international pour l'action climatique (UniC).
En plus des quatre doctorantes à Bakou, Emna Barki, doctorante en droit, Weldy Saint-Fleur, doctorant en sciences géographiques, Jean-Ronald Joseph, doctorant en sciences géographiques, Kathy Laframboise, doctorante en sciences géographiques et Mahsa Malmir, doctorante en criminologie ont eu des accréditations pour suivre la COP29 en ligne.