Les voitures électriques sont généralement 23% plus lourdes que les voitures à essence équivalentes à cause de leur batterie. Ce poids supplémentaire est associé à une usure 15% plus rapide des pneus, rapporte Denis Rodrigue, professeur à la Faculté des sciences et de génie. La puissance de ces véhicules est aussi un facteur d'usure, comme les pneus subissent davantage de friction au démarrage.
«Pour une voiture à essence, disons qu'on devrait être capable de faire 100 000 kilomètres avec les pneus. Avec un véhicule électrique, on va en faire seulement 85 000, soit 15 000 de moins, illustre le professeur, dont le laboratoire travaille sur le recyclage et la revalorisation des pneus. C'est non négligeable considérant que c'est ce que les gens parcourent en moyenne par année. On fait donc l'équivalent d'une année de moins avec les pneus.»
Pour pallier ce problème, dans la perspective d’un virage vers les véhicules électriques, il faudrait alléger les voitures ou rendre les pneus plus durables, notamment en changeant leur taille. «Il faut garder en tête que plus les pneus sont gros, plus ils sont difficiles à fabriquer, à manipuler et à changer. Avec la congestion dans les garages pour le changement de pneus, c'est un facteur important», souligne le professeur Rodrigue.
Au Québec, une voiture doit obligatoirement être chaussée de pneus d'hiver avant le 1ᵉʳ décembre. Denis Rodrigue rappelle qu'on ne peut pas devancer son rendez-vous au garage pour le désengorger, car les pneus ont une plage optimale de température. «Les pneus d'été ont une gomme plus dure et ceux d'hiver, une gomme plus molle. Un changement hâtif peut mener à une usure prématurée», explique Denis Rodrigue.
Les défis du recyclage
Pour rendre les pneus plus durables, leur composition peut être modifiée, mais cela complexifie le recyclage. «Chaque compagnie a sa propre recette secrète, avec des produits et des concentrations variables. Quand on récupère les pneus, toutes les marques vont au même endroit, c'est tout déchiqueté ensemble. C'est la même chose pour les pneus d'été et d'hiver», souligne le professeur Rodrigue.
Dans son laboratoire, lorsqu'il reçoit une nouvelle série de pneus, son équipe les analyse pour avoir une idée approximative des compositions. Cela permet de déterminer comment les traiter, notamment pour le choix de la température. Selon le professeur Rodrigue, les variations de compositions deviennent surtout un problème pour le rechapage, qui consiste à remplacer la bande de roulement usée d'un pneu par une nouvelle. «Si on veut une bonne adhérence entre la nouvelle bande de roulement et l'ancienne, il faut connaître la composition du pneu.»
La méthode de recyclage la plus simple actuellement, c'est la réutilisation. «Les pneus sont souvent coupés puis réutilisés en morceaux. Par exemple, la partie extérieure du pneu peut servir comme support pour les cônes orange, en empilant deux ou trois morceaux pour ajouter du poids à la base.»
La bande de roulement peut servir pour des tapis d'étable ou d'aréna. Une compagnie en fait des haltères. Les particules de caoutchouc sont parfois intégrées dans l'asphalte ou le béton.
Le nombre de pneus qui sont récupérés augmente chaque année. Cette tendance est donc à la hausse. Selon Denis Rodrigue, ça pose un problème actuellement, car il n'y a pas suffisamment d'entreprises au Québec pour traiter tout ce volume et le valoriser.