4 juillet 2024
Des clones pathogènes finement adaptés aux poumons des personnes atteintes de fibrose kystique
Une étude publiée dans la revue Science explique comment P. aeruginosa, une bactérie inoffensive en milieux naturels, a donné naissance à des clones pathogènes qui exploitent une niche écologique très spéciale: les poumons des personnes atteintes de fibrose kystique
En 2024, l'Organisation mondiale de la santé a placé, une fois de plus, la bactérie Pseudomonas aeruginosa sur sa courte liste des agents pathogènes prioritaires. Sur cette liste figurent les noms des bactéries pour lesquelles l'OMS juge qu'il est urgent de faire progresser les connaissances parce que ces microorganismes résistants à plusieurs antibiotiques font des ravages à travers le monde. À ce chapitre, P. aeruginosa ne laisse pas sa place: en 2019, elle aurait causé 560 000 décès sur la planète.
Une étude publiée le 4 juillet dans la revue Science par une équipe internationale, dont font partie trois chercheurs de l'Université Laval, répond à cet appel de l'OMS. Les chercheurs y exposent les résultats de travaux qui montrent comment P. aeruginosa, une bactérie inoffensive dans les milieux naturels, a évolué pour donner naissance à des clones adaptés à une niche écologique très spéciale: les poumons des personnes souffrant de fibrose kystique.
L'équipe de Cambridge, d'Oxford et de l'Université Laval a analysé 9829 souches de P. aeruginosa prélevées en milieux naturels, chez des animaux et chez des humains, dans une cinquantaine de pays entre les années 1900 et 2018. Du nombre, 9573 échantillons provenaient de 2765 patients atteints d'une infection causée par P. aeruginosa.
«Nous avons découvert que 51% des infections causées par P. aeruginosa à travers le monde étaient attribuables à 21 clones majeurs», signale l'un des auteurs de l'étude, Roger Levesque, professeur à la Faculté de médecine et chercheur à l'Institut de biologie intégrative et des systèmes de l'Université Laval.
Les analyses subséquentes ont dégagé un constat net. «Il y a deux grandes divisions parmi les clones pathogènes de P. aeruginosa, résume le professeur Levesque. Le premier groupe se retrouve chez les personnes atteintes de fibrose kystique alors que le deuxième groupe se retrouve chez des patients qui n'ont pas cette maladie. Ces préférences sont associées à l'expression ou à la non-expression de certains gènes.»
L'une des différences observées entre les deux groupes aide à comprendre pourquoi P. aeruginosa cause des infections respiratoires chroniques chez les personnes atteintes de fibrose kystique. «Nous avons constaté que l'expression de certains gènes permettait aux clones du groupe fibrose kystique de survivre à l'intérieur de cellules immunitaires pulmonaires – des macrophages – qui normalement les détruisent, souligne le professeur Levesque. Cet exemple montre à quel point ces clones ont développé des adaptations qui assurent leur survie dans les poumons des personnes atteintes de fibrose kystique.»
La fibrose kystique est la maladie qui fait le plus de décès chez les enfants et chez les jeunes adultes au Canada. Environ 4300 Canadiens sont atteints de cette maladie incurable. Des études antérieures ont montré que la sévérité de la fibrose kystique dépend directement de la gravité des infections causée par P. aeruginosa.
«Chez les jeunes et chez les adultes, le traitement de cette maladie consiste principalement à contrôler cette bactérie à l'aide d'antibiotiques, rappelle le professeur Levesque. Le fait qu'elle soit devenue résistante à plusieurs antibiotiques est donc une préoccupation majeure. Les résultats de notre étude, notamment ceux qui touchent les macrophages et les gènes impliqués dans les mécanismes d'infection, laissent entrevoir de nouvelles pistes de traitement.»
Irena Kukavica-Ibrulj et Jeff Gauthier, de l'Institut de biologie intégrative et des systèmes de l'Université Laval, font aussi partie de la liste des signataires de l'étude publiée dans Science.