Environ 50 % des étudiants au doctorat abandonnent avant l'obtention de leur diplôme. Face à ce constat, David Litalien et Frédéric Guay, professeurs à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval, ont distingué quatre profils de motivation liés à la persévérance au 3e cycle.
«Souvent, l'idée qu'on se fait d'un étudiant au doctorat, c'est quelqu'un qui est animé d'une passion, qui est très curieux par rapport à son sujet de recherche et qui veut en apprendre plus. On pense que ce sont ces raisons qui le motivent à poursuivre ses études. Mais quand on regarde les profils, ce n'est pas tout à fait ça qu'on observe», rapporte Frédéric Guay.
Les profils et la persévérance
En analysant les parcours de 2266 doctorants, les chercheurs ont observé que les motivations et les raisons étaient variables et pouvaient être regroupés selon quatre profils.
«Les étudiants qui correspondent à l'idée qu'on se fait d'un doctorant, animé d'un vif intérêt et d'un investissement personnel, ne comptent que pour 21 % de notre échantillon», note le professeur Guay. Ces personnes font partie du profil hautement autodéterminé. On y retrouve deux fois plus de femmes que d'hommes, soit 28 % et 14 % respectivement, contrairement aux trois autres profils, qui sont plus balancés.
Le deuxième profil, désigné comme identifié, regroupe des personnes qui accordent une grande importance à leurs études, sans toutefois être passionnées par leur recherche.
Les étudiants du troisième profil, introjecté, vont poursuivre leurs études doctorales à cause d'une source de pression interne ou externe. «On remarque que les étudiants dans ce profil sont poussés par le prestige que confère le diplôme doctoral. Ils souhaitent bien paraître dans leur entourage», souligne Frédéric Guay, précisant que ce profil représente 34 % de l'échantillon.
Le quatrième profil, faiblement autodéterminé, correspond aux étudiants qui semblent complètement désengagés de leurs études doctorales et compte pour environ 23 %.
Conformément aux attentes des chercheurs, le profil hautement autodéterminé montrait une meilleure persévérance, une plus grande satisfaction à l'égard des études et des intentions d'abandon plus faibles, suivi successivement par les profils identifié, introjecté et faiblement autodéterminé.
Les effets du contexte d'études
Le profil doctoral est non seulement lié à la personne, mais aussi lié au contexte dans lequel elle se développe. «Si un étudiant arrive motivé dans son projet et qu'il se retrouve dans un climat propice, le profil va être positif. Mais si le contexte est défavorable, il peut passer du profil hautement autodéterminé à faiblement autodéterminé», soutient Frédéric Guay.
Qu'est-ce qui fait qu'un contexte est propice ou non favorable au développement? Selon les chercheurs, trois besoins psychologiques doivent être comblés. «L'étudiant doit se sentir compétent, avec une rétroaction adéquate qui lui permet de progresser. Il doit se sentir autonome, en étant capable d'exercer des choix dans son projet. Il doit aussi sentir de l'appartenance, en tissant des liens avec son directeur de thèse, le personnel facultaire et les autres étudiants», énumère le professeur Guay.
Selon lui, si on crée un contexte parfait dans lequel les trois besoins sont satisfaits, les étudiants devraient se développer à leur plein potentiel. «C'est comme un arbre, il a besoin de nutriments, d'eau et de lumière pour grandir», illustre-t-il.
Un suivi à long terme
Dans l'étude, les chercheurs voient leurs résultats comme une photo prise durant un moment bien particulier du parcours doctoral des étudiants. Ils aimeraient maintenant suivre des cohortes d'étudiants à long terme. «Ça nous permettrait de déterminer quels sont les obstacles et les difficultés auxquels les doctorants font face», soutient Frédéric Guay. Ils pourraient aussi étudier le phénomène de «je-fais-tout-sauf-ma-thèse» observé dans la littérature pour comprendre pourquoi les doctorants abandonnent si près du but.
Quels sont les freins et les leviers de la persévérance? Est-ce un manque de soutien, un programme mal adapté? Cela fait partie des questions qui animent les deux professeurs pour la suite.
L'étude a été publiée dans la revue scientifique Contemporary Educational Psychology. Les signataires sont David Litalien, István Tóth-Király, Frédéric Guay et Alexandre J. S. Morin.