Comme l'effet de la radiothérapie varie grandement d'un cancer à l'autre, identifier des signatures génomiques capables de déterminer la réponse attendue aux radiations pourrait mieux guider le personnel médical dans la personnalisation des traitements. Le professeur Venkata Manem, affilié à la Faculté de médecine de l'Université Laval et au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, vient de franchir une étape prometteuse pour la recherche préclinique dans le domaine de la radio-oncologie de précision.
Actuellement, le personnel médical utilise un modèle de radiothérapie one-size-fits-all, avec une dose et une fréquence de radiation déterminées, sans tenir compte des caractéristiques génomiques de la tumeur.
«Certains cancers seront plus sensibles ou plus résistants à différents types et régimes de radiation. En identifiant les patientes et les patients qui peuvent avoir des doses plus faibles, on pourrait diminuer la toxicité du traitement. On pourrait également ajuster la dose pour les tumeurs plus résistantes ou la jumeler avec une autre thérapie», explique le chercheur Manem, auparavant professeur sous octroi à Université du Québec à Trois-Rivières.
Pour l'instant, les marqueurs de prédiction pour la radiothérapie peuvent être appliqués de façon générale à tous les cancers, mais l'équipe vise des marqueurs spécifiques selon le tissu dans lequel la tumeur se développe. «Avec la disponibilité de données spécifiques aux tissus, nous pourrions éventuellement obtenir des signatures pour différents types de cancers tels que les cancers du sein, de la prostate et du poumon», s'enthousiasme le professeur Venkata Manem.
«Toutes les tumeurs sont différentes, même si elles sont classées dans le même groupe, au même stade et avec les mêmes caractéristiques anatomiques. Elles diffèrent sur de nombreux aspects, tels que les mutations présentes, le micro-environnement et la composante immunitaire. Tous ces facteurs peuvent affecter la réponse à la radiothérapie», ajoute Alona Kolnohuz, première auteure de l'étude.
Grâce à des données de lignées cellulaires combinées à des approches basées sur la bio-informatique et l'apprentissage automatique, l'équipe de recherche a ciblé un indicateur moléculaire de sensibilité qui pourrait faire l'objet de tests précliniques avant d'être transposé en clinique.
«La majorité des études dans le domaine utilise le nombre de cellules qui survivent à une dose de radiation donnée, 2 Gy par exemple, ce qui équivaut à regarder un seul point pour tirer des conclusions. Notre approche utilise plutôt l'aire sous la courbe. Nos résultats démontrent que cette approche devrait être considérée comme indicateur de réponse aux radiations dans les études précliniques, car elle considère un plus large éventail de processus biologiques», explique le professeur Manem.
La suite de sa recherche consiste à valider ces signatures moléculaires avec des données de patientes et de patients et à mettre au point un test clinique utilisant des méthodes basées sur l'apprentissage automatique. L'équipe souhaite aussi identifier des composés radiosensibilisants susceptibles d'accroître l'efficacité thérapeutique des radiations.
«Avec l'émergence des omiques et des technologies basées sur l'intelligence artificielle, le temps est venu pour la médecine de précision de faire un grand pas en avant et de s'éloigner du cadre conventionnel one-size-fits-all, souligne Venkata Manem. Nous pensons que les marqueurs de sensibilité aux radiations ont un potentiel énorme pour aider à la prise de décision, personnaliser le traitement et en améliorer les résultats.»
L'étude a été publiée dans la revue scientifique BMC Cancer. Les signataires sont Alona Kolnohuz, Leyla Ebrahimpour, Sevinj Yolchuyeva et Venkata Manem.