Environ 84 000 enfants font leur entrée en première année cette semaine au Québec et la même question tracasse tous leurs parents: mon enfant va-t-il bien réussir à l'école? Il y aurait moyen d'avoir une bonne idée de la réponse à cette question bien avant que les élèves reçoivent leur premier bulletin, suggère une étude menée par une équipe interuniversitaire de recherche. En effet, des tests servant à évaluer certaines habiletés cognitives ainsi que les connaissances du langage et des nombres permettent de prédire, dès la petite enfance, les performances scolaires au primaire, rapporte cette équipe dans une étude parue dans Plos One.
«Les résultats à ces tests expliquent environ la moitié des différences observées entre les enfants dans leur rendement scolaire au début du primaire. En psychologie, les outils qui ont une telle valeur prédictive quant à la réussite scolaire sont rares», commente le responsable de l'étude, Michel Boivin, professeur à l'École de psychologie de l'Université Laval.
Pour faire cette démonstration, les chercheurs ont étudié deux cohortes totalisant plus de 2600 sujets. Ces enfants participent à deux études longitudinales entreprises au milieu des années 1990: l'Étude des jumeaux nouveau-nés du Québec et l'Étude longitudinale du développement des enfants du Québec.
Les enfants de ces deux cohortes ont été rencontrés une première fois alors qu'ils étaient âgés, en moyenne, de 41 mois dans un cas et de 63 mois dans l'autre. «Nous avons utilisé des tests reconnus en psychologie pour évaluer leurs habiletés cognitives avant leur entrée à l'école, explique le professeur Boivin. Ces tests évaluaient, entre autres, leur mémoire, leurs capacités visuo-spatiales ainsi que leurs connaissances relatives au langage et aux nombres.»
Le suivi à long terme de ces enfants a permis de mettre en relation, pour chaque enfant, les résultats aux tests menés pendant la petite enfance et le rendement scolaire de la première à la sixième année du primaire. «Nos analyses ont mis en lumière le rôle central des connaissances des nombres et des acquis langagiers pendant la petite enfance sur le rendement scolaire au primaire, surtout pendant les premières années», résume Michel Boivin.
Les résultats de cette étude réitèrent l'importance du développement cognitif pendant la petite enfance pour la réussite scolaire, souligne le chercheur. De plus, ils ouvrent la voie au dépistage précoce des enfants qui risquent d'éprouver des difficultés au primaire. «Les tests que nous avons utilisés sont relativement simples, souligne le professeur Boivin. Ils pourraient donc servir de base pour repérer, dès la petite enfance, les enfants qui risquent d'avoir des problèmes scolaires. Nous pourrions ainsi identifier les enfants auprès de qui il est important d'intervenir avant l'entrée à l'école.»
Cette étude fait partie des travaux de doctorat de Philippe Carpentier, réalisés sous la direction de Michel Boivin. Les autres signataires de l'étude parue dans Plos One sont Geneviève Morneau-Vaillancourt, Sophie Aubé, Célia Matte-Gagné, Anne-Sophie Denault, Simon Larose, Amélie Petitclerc, Bei Feng et Ginette Dionne, de l'Université Laval, Mara Brendgen, de l'Université du Québec à Montréal, et Isabelle Ouellet-Morin, René Carbonneau, Jean Séguin, Sylvana Côté, Frank Vitaro et Richard E. Tremblay, de l'Université de Montréal.