Une affiche pour dénoncer le viol de guerre ou pour illustrer l'anxiété. Des bottes qui s'enfilent aisément par derrière pour faciliter la vie des femmes enceintes ou des septuagénaires. Un bac à fruits et légumes qui retarde le mûrissement en absorbant l'éthylène. Voilà un aperçu des idées imaginées par plus de 80 finissants et finissantes en design graphique et en design de produits à l'Université Laval. Ils dévoileront leur savoir-faire et leur sensibilité sociale et écologique les 11, 12 et 13 mai, à Première Expo, dans le quartier Saint-Roch.
«Même s'il n'y avait pas de thématique imposée aux étudiants, on sent une volonté de penser aux personnes âgées, aux personnes à mobilité réduite, à une clientèle peut-être moins fortunée, remarque Audrey Pedneault, coordonnatrice de l'exposition. Au niveau des produits, du mobilier, il y a une préoccupation pour les gens qui vivent dans de plus petits appartements, pour les enjeux environnementaux. Dans les affiches, il y a un côté très féministe, engagé. Ça passe par un design au goût du jour, mais on sent qu'il y a vraiment un fond au-delà de la forme.»
Une approche muséale
L'événement gratuit et ouvert au public prend place cette année dans l'ancien espace occupé par les Copies de la Capitale, adjacent à l'édifice de La Fabrique sur le boulevard Charest. «Comme tout sera ensuite remis à neuf, le propriétaire nous a laissé carte blanche», lance la coordonnatrice, en faisant visiter les lieux loués pour l'occasion.
«Dans les années antérieures, Première Expo était une présentation étudiante des projets de fin d'année. Cette fois, on vise plus une vraie exposition muséale», dit-elle en désignant notamment des petites salles peintes en noir à travers un parcours tout blanc.
Dans ces pièces sombres, les visiteurs trouveront les portfolios des étudiants et des étudiantes en design graphique et de l'animation. «Pour la première fois, les sites Web seront présentés par une vidéo qui montrera la navigation. En design graphique, les médiums changent constamment. Les supports avec lesquels les étudiants s'expriment évoluent et montrent qu'ils sont branchés sur ce qui se passe», mentionne Louise Paradis, professeure à l'École de design et directrice artistique de l'événement avec le chargé de cours Maxime Rheault, cofondateur du studio Criterium.
Les trois années de cours dans ce baccalauréat couvrent plusieurs disciplines, allant de l'illustration à l'image de marque, en passant par l'expérience utilisateur, l'interface Web et l'édition. «Chaque étudiant et étudiante présente entre un et trois projets qui émanent de ces catégories-là», poursuit la professeure Paradis.
Le fruit d'un an de travail
En design de produits, la vingtaine de projets présentés est le fruit d'une année de réflexion et de conception. «La première session, de septembre à décembre, il y a beaucoup de recherche, de sorties sur le terrain, de consultations avec des experts pour trouver des idées de concepts, des pistes de solution. Puis dès janvier, on entre plus dans la partie prototypage, tout ce qui est technique. Depuis la semaine de lecture, on crée le prototype, fonctionnel ou non selon l'ampleur, pour le présenter à l'exposition», explique Justine Cotard, finissante et chargée du chantier de l'événement avec Camille Chevalier.
Avec sa collègue Alice Tremblay-Saint-Yves, Justine a créé mémé., un kit de raccommodage composé d'un outil de couture à la main et de trois gabarits. Si l'intérêt pour les vêtements de seconde main augmente, tout le monde ne sait pas les réparer, ont-elles constaté. Dans un objectif de consommation responsable et de mode de vie plus durable, elles ont voulu accompagner l'usager dans l'apprentissage de techniques de couture de base.
L'économie circulaire en trame de fond
Cette pensée écologique se retrouve aussi dans le projet Better Walls, de Francis Boivin, Marc-Olivier Morin et William Robert. Leur revêtement extérieur, qui fait de l'ombre sur lui-même pour réduire la température de surface, est inspiré des mécanismes de défense du cactus contre les chaleurs extrêmes. Dans une optique de développement durable, ils ont créé un mélange de polymère recyclé à base de rebuts de la construction et de déchets résiduels.
«L'économie circulaire, c'est un gros sujet dans notre programme, souligne Justine Cotard. On a un cours d'écoconception dans tout le baccalauréat, mais dans chaque projet, on se fait répéter qu'il faut penser au produit, mais aussi à sa fin de vie, comment il sera conçu et jeté. C'est l'avenir du design.»
Conférences et réseautage
La décroissance et la durabilité font d'ailleurs partie des sujets qui seront abordés lors des conférences, le samedi 13 mai, entre 10h et 16h. La professeure Louise Paradis se réjouit de la diversité des conférenciers, dont Étienne Murphy, un diplômé de l'Université Laval aujourd'hui designer et directeur artistique chez Gretel, à New York.
Première Expo est aussi une occasion de réseautage pour les finissants et finissantes et permet de démontrer leur savoir-faire. «Tous et toutes auront une carte avec un code QR qui les liera à leur page sur le site Web de l'exposition. Les visiteurs pourront mieux connaître chaque designer de façon personnelle», souligne Audrey Pedneault.
Certains projets auront peut-être une vie au-delà de l'exposition. Ethnocare, qui conçoit aujourd'hui des prothèses pour les personnes amputées, est une entreprise issue de ce parcours, mentionne Justine Cotard, qui poursuivra de son côté des études à la maîtrise à Paris, l'automne prochain.