Une étude qui vient de paraître dans le New England Journal of Medicine démontre l'efficacité à long terme d'une intervention servant au traitement de la forme la plus courante d'anomalie du rythme cardiaque, la fibrillation auriculaire. Cette preuve et les conclusions de travaux antérieurs, qui avaient démontré la sécurité et l'efficacité à moyen terme de cette procédure, pourraient conduire à une révision des recommandations touchant le traitement de la fibrillation auriculaire, et ainsi permettre à un plus grand nombre de personnes de profiter de ses bienfaits. C'est ce que croit l'un des auteurs de l'étude, Jean Champagne, professeur à la Faculté de médecine et chercheur à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ).
La fibrillation auriculaire est causée par un dérèglement des signaux électriques qui contrôlent les contractions du coeur. Ce problème, qui touche environ 200 000 personnes au Canada, se manifeste d'abord par des épisodes isolés et passagers d'arythmie. «Si rien n'est fait, le désordre évolue vers une forme persistante, puis une forme permanente de la maladie, qui augmente le risque d'insuffisance cardiaque et d'accident vasculaire», souligne le professeur Champagne, qui est également cardiologue électrophysiologiste à l'IUCPQ.
Présentement, les recommandations des autorités médicales prescrivent le recours aux médicaments comme premier traitement de la fibrillation auriculaire. Cette solution est loin de convenir à tous: le problème réapparaît chez 50% des patients dans l'année qui suit le début de la prise de médication.
Pour cette raison, une nouvelle avenue de traitement est explorée depuis la fin des années 1990. Elle consiste à insérer un cathéter dans un vaisseau sanguin au niveau de l'aine et à le guider jusqu'à l'entrée des oreillettes pour détruire les tissus du cœur causant les battements irréguliers. La procédure peut être exécutée en utilisant la chaleur ou le froid. Dans ce dernier cas, on parle de cryoblation.
Le professeur Champagne et les autres membres de l'équipe dirigée par le professeur Jason Andrade, de l'Université de la Colombie-Britannique, ont suivi pendant 3 ans un groupe de 303 personnes souffrant de fibrillation auriculaire. Ces personnes avaient été traitées soit par médication soit par cryoblation. «Nous avons installé un moniteur cardiaque sous-cutané à chaque participant, ce qui nous a permis de détecter tous les épisodes d'arythmie pendant cette période», précise Jean Champagne.
Au terme du suivi, les chercheurs ont constaté que les personnes traitées par cryoblation avaient 51% moins de risque d'avoir une récidive d'arythmie auriculaire et 75% moins de risque que la maladie évolue vers la forme persistante. De plus, les personnes du groupe cryoblation ont eu moins recours aux ressources du système de santé. La fréquence des hospitalisations, des visites à l'urgence et des cardioversions (une intervention consistant à utiliser une décharge électrique pour rétablir un rythme cardiaque normal) était respectivement 69%, 16% et 32% plus basse dans le groupe cryoblation que dans le groupe médicaments.
«La cryoblation présente plusieurs avantages pour le patient et pour le système de santé, résume le professeur Champagne. Plus elle est pratiquée à un stade précoce, meilleurs sont les résultats. Elle change complètement la progression de la maladie et elle redonne une qualité de vie aux patients. Le fait de devoir commencer par la médication retarde le moment où on peut offrir ce traitement, ce qui en limite les retombées potentielles. Les preuves scientifiques accumulées au cours des dernières années devraient conduire à une révision des recommandations de traitement de la fibrillation auriculaire.»