
Depuis 1990 au Québec, le secteur résidentiel a réduit de 50% sa consommation de combustibles fossiles. Depuis la même année, le secteur industriel affiche une réduction de plus de 20%. Mais au cours de cette période, le secteur du transport a connu une croissance soutenue de la consommation de pétrole due, entre autres, à l’étalement urbain et à la popularité des véhicules utilitaires sport.
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La Journée d’économie appliquée 2023 s’est tenue le vendredi 17 février, au pavillon La Laurentienne. L’activité, qui a attiré plus de 100 personnes, était organisée par le Département d’économique, l’Association des étudiants en économique des cycles supérieurs à l’Université Laval et les centres de recherche CRREP et CREATE, en collaboration avec la section de la Capitale-Nationale de l’Association des économistes québécois. À cette occasion, des étudiants de maîtrise du département ont présenté les résultats de leurs travaux de recherche. L’un d’eux était François Archambault, dont le mémoire porte sur la voiture électrique, une technologie nouvelle et mature qui suscite de plus en plus l’intérêt.
Selon lui, ce qui motive le consommateur québécois à acheter une voiture électrique est la conscience qu’il a de la crise climatique, plus particulièrement des répercussions, sur la planète, des gaz à effet de serre (GES) produits par le brûlage de combustibles fossiles tel le pétrole. Les GES sont émis en majeure partie par le secteur du transport et contribuent de manière importante au phénomène de réchauffement du climat. Selon une étude du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parc du Québec, le transport était, en 2003, le premier secteur d’activité responsable des émissions de gaz à effet de serre avec 37,4% de l’ensemble des GES.
«Cela dit, poursuit-il, des gains importants ont été enregistrés par d’autres secteurs que le transport. Depuis 1990, le secteur résidentiel a réduit de 50% sa consommation de combustibles fossiles. Depuis la même année, le secteur industriel affiche une réduction de plus de 20%. Mais au cours de cette période, le secteur du transport a connu une croissance soutenue de la consommation de pétrole due, entre autres, à l’étalement urbain et à la popularité des véhicules utilitaires sport.»
Un tableau récent d’Environnement et Changement climatique Canada montre la courbe des émissions de GES au Canada depuis 1990, avec des projections jusqu’en 2030. De 1990 à 2005, le nombre de mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone est passé de 600 à 741. Puis, une certaine stabilité s’installe, supérieure à 700 mégatonnes, avant de chuter en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19.
«Cette baisse globale non négligeable est due au confinement, explique l’étudiant. Les gens ont cessé de prendre leur voiture temporairement en 2020. L’effet a été ponctuel. Compte tenu de l’Accord de Paris de 2015 et de la nouvelle cible canadienne annoncée en 2021, dans les deux cas une réduction de 30% des GES d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005, des changements assez drastiques devraient s’opérer. Il faudra des coupures assez importantes dans nos habitudes. Les cibles sont ambitieuses. Comme le Québec mise sur l’électrification des transports, 1,5 million de véhicules électriques devraient rouler sur les routes du Québec en 2030.»
Les facteurs qui influencent l’adoption de la voiture électrique
Dans son mémoire, François Archambault vise à cerner l’effet de la variation du prix de l’essence sur la demande de voitures électriques. Sa sous-question porte sur les facteurs qui influencent l’adoption d’un tel véhicule.
Il rappelle que plusieurs études se sont intéressées à l’efficacité des subventions à l’achat, aux effets des réseaux de recharge et aux taxes sur l’essence. «Mais, ajoute-t-il, peu d’études mesurent la variation de la demande pour les voitures électriques suite à un changement des prix de l’essence.»
Les données québécoises qu’il a utilisées couvrent la période comprise entre 2014 et 2018. Les données fournies par la Régie de l’énergie portaient sur le prix journalier de l’essence de 2007 à 2018. Dans ses calculs il a utilisé la moyenne mensuelle du prix de l’essence pour l’ensemble du Québec.
«Peu de variations ont été observées entre les régions du Québec», indique-t-il.
Du côté d’Hydro-Québec, les bornes de recharge rapide de niveau 2 installées par le Circuit électrique de 2014 à 2022 s’élevaient à plus de 4000. Toujours au Québec, les acheteurs de voiture électrique avaient droit à une subvention de 8000$ pour les véhicules de moins de 75 000$. D’autres statistiques révèlent que durant la période étudiée, le nombre moyen de ventes mensuelles de véhicules électriques neufs était de plus de 400, qu’une trentaine de bornes de recharge étaient installées chaque mois et que l’autonomie moyenne des voitures tournait autour de 140 kilomètres.
Selon les études sur l’adoption des voiture électriques, les acheteurs considèrent que le coût plus élevé de ces véhicules est compensé par le fait de ne plus être obligé d’acheter de l’essence. En d’autres mots, on paye plus cher pour payer moins cher plus tard. «À ce sujet, souligne François Archambault, les gens sont généralement un peu myopes. Ils vont regarder le coût d’acquisition pour ensuite moins bien évaluer le coût de fonctionnement.»
Les résultats préliminaires de la recherche de l’étudiant indiquent une élasticité de 1,5 à 3,7 entre le prix de l’essence et la vente de véhicules électriques, comparativement à une étude semblable publiée en 2017. Mesurée avec les ventes de 2011 à 2013, soit au moment de l’introduction du véhicule électrique, le niveau d’élasticité atteint par cette recherche variait entre 0,6 et 1,9.
«Mes résultats, dit-il, signifient que si le prix de l’essence augmentait de 1%, la vente de véhicules électriques croîtrait de 1,5 à 3,7%. Mon modèle prend pour acquis que les gens sont influencés par ce qu’ils observent aujourd’hui. Ils s’attendent à une continuité et cela joue un peu sur leurs perceptions. On est plus sensibles à nos dépenses aujourd’hui qu’à nos anticipations futures.»
Selon lui, les acheteurs sont moins sensibles au prix lorsqu’ils se procurent une technologie nouvelle. «Les premiers acheteurs étaient des gens innovants, conscients des risques, rappelle-t-il. Ils savaient qu’il y avait des limites. Aujourd’hui, on commence à voir des monsieurs et des madames Tout-le-Monde qui sont peut-être plus sensibles au prix qu’il y a 10 ans.»
La littérature scientifique indique que l’un des principaux freins à l’achat d’une voiture électrique est l’autonomie du véhicule et le nombre de bornes de recharge. «On pourrait ajouter le temps d’attente avant la livraison, souligne François Archambault. Les délais et la restriction de l’offre sont de plus en plus importants. Certains vont dire, je n’attendrai pas deux ans pour une voiture électrique. Je vais aller vers une voiture hybride ou à essence.»