9 mars 2023
La familiarité chirurgien-anesthésiologiste associée à des risques plus faibles de complications postopératoires
Plus un tandem chirurgien-anesthésiologiste est jumelé fréquemment lors d'interventions complexes, plus le taux de complications postopératoires est bas
On savait déjà que le nombre d'interventions complexes pratiquées par un chirurgien ou par un anesthésiologiste était associé, l'un comme l'autre, à des retombées positives pour leurs patients. Voilà qu'une étude qui vient de paraître dans le JAMA Surgery montre que le nombre d'interventions complexes pratiquées par un même tandem chirurgien-anesthésiologiste est associé à un risque plus faible de complications graves.
L'équipe de recherche dirigée par Julie Hallet, diplômée en médecine de l'Université Laval et professeure à l'Université de Toronto, en a fait la démonstration en analysant les dossiers de 7893 personnes atteintes d'un cancer qui ont dû subir une résection de l'œsophage, du pancréas ou du foie entre 2007 et 2018 dans des hôpitaux ontariens. Ces interventions ont été pratiquées par 737 anesthésiologistes et 163 chirurgiens.
«Nous avons chiffré le nombre d'interventions pratiquées par un même tandem chirurgien-anesthésiologiste dans les quatre années précédant une intervention afin d'établir le degré de familiarité entre eux au moment de la chirurgie. Dans la moitié des cas, les chirurgiens et les anesthésiologistes avaient été jumelés une fois ou moins. Par contre, d'autres tandems avaient été réunis plus souvent. Ce nombre pouvait aller jusqu'à 12 par année», signale l'un des auteurs de l'étude, Alexis Turgeon, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Les analyses ont révélé que 43% des patients avaient eu des complications graves dans les 90 jours qui ont suivi l'intervention. «Après avoir tenu compte des effets attribuables aux différences entre les patients, les hôpitaux et les médecins, notamment le nombre d'interventions pratiquées, on constate que le risque de complications graves est d'environ 35% pour les tandems qui ont été jumelés une fois par année, autour de 30% pour ceux qui l'ont été quatre fois par année, et d'environ 20% pour ceux qui l‘ont été 10 fois par année», résume Alexis Turgeon.
La cause de l'association entre les jumelages fréquents et les issues positives des chirurgies constitue un mystère pour l'instant. «Nos données ne nous permettent pas d'établir un lien de causalité entre le nombre de jumelages et les complications graves ni de déterminer l'élément qui expliquerait cette association. Notre hypothèse est que des médecins qui travaillent plus souvent ensemble apprennent à se connaître et développent un lien de confiance. Cela pourrait se répercuter sur l'ambiance de travail, sur la communication et sur la prévisibilité des réactions dans la salle d'opération», avance le professeur Turgeon, qui est lui-même anesthésiologiste et médecin spécialiste en soins intensifs.
Malgré les conclusions de cette étude, le professeur Turgeon croit qu'il est prématuré de recommander une révision du mode d'organisation des équipes chirurgicales. «Si d'autres études arrivent aux mêmes conclusions que la nôtre, il faudra alors envisager des façons de jumeler plus régulièrement les mêmes tandems chirurgien-anesthésiologiste dans le contexte d'interventions complexes. Ce ne serait pas facile sur le plan logistique, mais le bien-être des patients doit nous guider dans la recherche de meilleures pratiques.»