Les personnes qui suivent des régimes amaigrissants le savent trop bien: elles doivent faire montre de patience et de persévérance avant de percevoir des effets sur leur silhouette. Les choses se dérouleraient beaucoup plus rondement du côté du microbiote intestinal. En effet, il suffirait de quelques heures pour que des changements dans notre alimentation se répercutent sur la composition de notre microbiote et sur l'abondance de certaines molécules qu'il produit, et qui sont associées à des processus physiologiques importants.
C'est ce que démontre une équipe de l'École de nutrition, du Centre NUTRISS et de l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels dans une étude publiée récemment par la revue Microbiome. Les chercheurs ont demandé à 21 personnes en bonne santé de modifier leur alimentation en faisant alterner une diète inspirée par l'alimentation méditerranéenne, jugée excellente pour la santé, et une diète similaire à celle du Canadien moyen, qu'on peut qualifier, en termes polis, de sous-optimale. Les participants devaient délaisser leur diète habituelle pour adopter successivement 3 jours de diète méditerranéenne, 13 jours de diète canadienne et 3 jours de diète méditerranéenne.
Premier constat des chercheurs: la composition du microbiote change dans les 48 premières heures qui suivent ces transitions. «On ne parle pas d'un remodelage majeur dans le microbiote, mais plusieurs espèces présentes en faible abondance dans le microbiome connaissent des changements substantiels, précise le responsable de l'étude, Frédéric Raymond. Comme il y a plusieurs centaines d'espèces de bactéries dans le microbiote intestinal et qu'elles produisent des molécules qui passent dans le sang, cela peut induire des modifications physiologiques chez l'hôte.»
Second constat: l'abondance de certains acides gras – à courte chaîne ou à chaîne ramifiée – produits par le microbiote réagit rapidement aux changements dans l'alimentation. «Ces molécules passent dans le sang de l'hôte et on croit qu'elles interviennent dans des fonctions métaboliques importantes, notamment le métabolisme énergétique, la santé cardiovasculaire et l'inflammation», souligne le professeur Raymond.
Troisième constat: lorsque le microbiote est diversifié au départ, il demeure plus résilient face aux changements dans l'alimentation.
«Notre étude démontre que le microbiote réagit de façon très dynamique aux changements dans l'alimentation, résume le professeur Raymond. Cela suggère que l'adoption de bonnes habitudes alimentaires produit rapidement des effets bénéfiques, sur le plan moléculaire du moins. Nos résultats suggèrent également que les personnes qui s'alimentent bien en général peuvent s'écarter temporairement de leurs bonnes habitudes sans que leur microbiote soit trop affecté.»
Les auteurs de l'étude publiée dans Microbiome sont Isabelle Bourdeau‑Julien, Sophie Castonguay‑Paradis, Gabrielle Rochefort, Julie Perron, Benoît Lamarche, Nicolas Flamand, Vincenzo Di Marzo, Alain Veilleux et Frédéric Raymond. Cette recherche a été effectuée dans le cadre des travaux de la Chaire d'excellence en recherche du Canada sur l'axe microbiome-endocannabinoïdome en santé métabolique.