Cécobois, le Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois, a tenu son 8e Gala de prix d’excellence le jeudi 16 février au Palais Montcalm de Québec. Cet événement est présenté aux deux ans. Dix-huit projets d’exception mettant en valeur les possibilités du matériau bois ont été récompensés, dont ceux de Philippe Champagne et de Mathieu Létourneau-Gagnon. Ils étaient étudiants à l’Université Laval au moment du dépôt de leur candidature, le premier à l’École d’architecture, le second au Département des sciences du bois et de la forêt. Ils sont aujourd’hui respectivement chargé de cours à l’École d’architecture et conseiller technique chez Technorm.
Dans la catégorie Prix étudiant – conception, le prix a été attribué à Philippe Champagne pour son projet Nostalgie d’un patrimoine manuel – un conservatoire pour les arts et métiers du bois. Le jury a souligné la «grande finesse» du projet et l'a qualifié de «véritable éloge au matériau bois».
Dans son concept, l’étudiant a imaginé un bâtiment en bois aux dimensions impressionnantes. Semblable à un très grand corridor, celui-ci mesure 135 mètres de long par 15 mètres de large. Il est situé en plein champ, sur la Côte-Nord. Comme tout projet de fin d’études, Philippe Champagne l’a pensé comme s’il était mené à terme, comme s’il allait voir le jour. «Je lui a attribué tous les systèmes, dit-il. J’ai fait en sorte qu’on puisse le faire vivre, qu’il fonctionne normalement. J’ai travaillé avec notre ingénieur à l’École, le professeur Richard Pleau. Il a fallu dimensionner le tout. Pour tous les défis techniques liés à l’enveloppe, au choix des matériaux, j’y allais selon les essences de bois disponibles et leur proximité. J’ai beaucoup réfléchi au projet selon un circuit court.»
L’étudiant a abordé une typologie nouvelle qui n’existe pas, soit celle d’un conservatoire où faire valoir le travail du bois, à l’image de la Maison des métiers d’art de Québec. «La grosse problématique abordée, explique-t-il, était celle de la perte graduelle du savoir manuel, un savoir surtout issu des méthodes de construction industrielles et de la standardisation des méthodes constructives. J’ai essayé de trouver une manière de restituer cette transmission de savoir-faire locaux. Le but était de retisser les liens de notre patrimoine vis-à-vis une ressource renouvelable qui s’inscrit directement dans cette mémoire collective que nous avons avec une matière qui appartient à notre culture.»
Le bâtiment imaginé par Philippe Champagne est à la fois un lieu d’exposition et un lieu d’enseignement. Les espaces ont été réfléchis selon une hiérarchie spatiale. Le rez-de-chaussée est percé de murs rotatifs qui permettent de faire entrer de grosses pièces de bois dans les ateliers où se trouvent des machineries fixes au sol, comme des planeurs et des dégauchisseuses. De petits ateliers contiennent des ciseaux à bois pour le sciage ou le sculptage. À l’étage se trouvent des espaces fonctionnels fermés tels que des salles de classe, une bibliothèque et un espace social.
La structure employée est de type poteaux-poutres en gros bois d’œuvre. Les planchers intérieurs sont faits de panneaux de bois massif lamellé-croisé. Des panneaux de contreplaqué marin assurent le cloisonnement intérieur. Le système structural est fait de pin blanc, le système d’enveloppe est fait de mélèze laricin, deux essences propres à la région. La récolte du bois est locale, tout comme les produits ligneux qui sont fournis par des scieries situées à moins de 25 kilomètres du site. L’ensemble du bâtiment séquestre environ 700 tonnes de dioxyde de carbone.
«Le bâtiment n’est pas seulement fait de bois, précise-t-il. On trouve des volumes en laiton à l’intérieur. Je dirais que la combinaison des deux matériaux donne un caractère plus esthétique à l’ensemble.»
Une recherche très pertinente
Dans la catégorie Prix étudiant – projet de recherche, le prix d’excellence Cécobois est allé à Mathieu Létourneau-Gagnon pour son projet Performance au feu des vis autotaraudeuses dans les bâtiments en bois de grande hauteur. Le jury a qualifié ce sujet de pointe «d’une grande pertinence pour la construction en bois». Selon les juges, «les résultats permettent, par extension, de prédire la résistance au feu d’assemblages vissés pour les bâtiments en bois de grande hauteur, des données techniques qui seront grandement utiles pour la conception de ce type de structure.»
L’étudiant a publié les résultats de sa recherche en avril 2021 dans la revue savante en ligne Applied Sciences. En novembre de la même année, il recevait son diplôme de maîtrise. «Après deux ans, dit-il, mon article a eu plus de 3000 lectures. Cela démontre un très grand intérêt chez les spécialistes du domaine pour ce type de recherches dans un contexte où les villes se densifient à travers le monde, ce qui entraîne la construction grandissante de bâtiments en hauteur.»
Selon lui, le bois est un matériau de construction concurrentiel. Mais il est l’objet d’idées préconçues. «Tout le monde associe le bois qui brûle à une non-résistance au feu, explique-t-il. Or, ma recherche a prouvé qu’un bâtiment en bois, quand il est bien conçu, est non seulement performant, mais il offre une très bonne résistance au feu.»
Pour son projet de recherche, Mathieu Létourneau-Gagnon est parti du principe que le matériau bois, bien que combustible, isole efficacement, grâce à sa faible conductivité thermique, les vis et les clous qui maintiennent les structures d’un bâtiment en bois de grande hauteur. Au terme de sa recherche, il avait démontré la grande résistance de tels ouvrages, même après deux heures d’exposition au feu. Il avait évalué le transfert de chaleur d’attaches couramment utilisées dans les assemblages et il avait évalué le comportement thermomécanique des vis autotaraudeuses exposées jusqu’à deux heures à un feu normalisé.
«L’objectif de ma recherche était de connaître les capacités réelles de la grande résistance au feu des ouvrages en bois, indique-t-il. Elle démontre très bien que cela est possible au-delà de deux heures.»