
L'appareil conçu par les chercheurs est une version modifiée du dermographe des tatoueurs. Il permet de livrer le vaccin dans le derme, à l'aide de micro-injections, plutôt que dans un muscle.
— Getty Images/Zbynek Pospisil
Une équipe de recherche de l'Université Laval a conçu un système d'injection de vaccins qui permet de produire une réponse immunitaire plus forte. Ce système repose sur un outil de tatouage modifié qui permet d'injecter le vaccin dans la peau plutôt que dans un muscle.
Les chercheurs ont misé sur le fait que la peau, qui sert de première ligne de défense du corps, contient beaucoup plus de cellules immunitaires que les muscles. En théorie, la réponse immunitaire produite par un vaccin administré dans la peau devrait donc être plus rapide et plus forte.
«Le défi consistait à mettre au point un appareil permettant de livrer un volume prédéterminé de solution vaccinale dans le derme», explique l'un des responsables du projet, Jean Ruel, professeur au Département de génie mécanique et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
En raison de sa faible épaisseur, le derme ne peut recevoir un volume de solution vaccinale qui dépasse 0,1 ml par injection. C'est 2 à 3 fois moins qu'une dose de vaccin contre la COVID-19, et 5 fois moins qu'une dose de vaccin contre l'influenza. «Comme on ne pouvait envisager une injection unique à l'aide d'une aiguille, nous avons eu l'idée d'adapter l'outil que les tatoueurs utilisent pour faire pénétrer des pigments dans la peau», explique le professeur Ruel.
L'outil utilisé par les tatoueurs, appelé dermographe, se termine par une buse à laquelle on fixe une ou plusieurs aiguilles pleines. Les tatoueurs trempent ces aiguilles dans une solution contenant les pigments et ils pratiquent ensuite une série de perforations grâce auxquelles une partie des pigments pénètre passivement dans la peau. «Nous devions adapter cet outil afin d'en arriver à pouvoir injecter une quantité précise de solution vaccinale directement dans le derme, sans en gaspiller», précise le chercheur.
Il a fallu plusieurs années de travail, mais le professeur Ruel et le responsable de travaux pratiques et de recherche Marc-André Plourde-Campagna sont parvenus à concevoir et à fabriquer un prototype qui permet de faire ce travail. Cet instrument est doté d'une tête d'injection formée de 11 aiguilles creuses qui, grâce à un mouvement oscillatoire rapide, pratiquent 100 micro-injections à la seconde. La solution vaccinale est mise sous pression par un système d'air comprimé. Une valve qui en contrôle l'ouverture s'ouvre au moment précis où les aiguilles sont dans le derme.

Le prototype conçu par les chercheurs permet de faire 100 micro-injections à la seconde. La solution vaccinale est mise sous pression par un système d'air comprimé. Une valve qui en contrôle l'ouverture s'ouvre au moment précis où les aiguilles sont dans le derme.
— Marc-André Plourde-Campagna
Ce système a été mis à l'essai sur des animaux de laboratoire par les responsables du volet médical du projet, le professeur Gary Kobinger, maintenant à l'University of Texas Medical Branch, et le postdoctorant Alejandro Gomez, maintenant chercheur chez Medicago à Québec. Toutes les expériences ont conduit au même constat, rapportent les chercheurs dans une étude qui vient de paraître dans npj Vaccines. La réponse immunitaire des animaux est plus forte lorsque le vaccin est administré dans le derme à l'aide de l'appareil de tatouage modifié plutôt que par injection intramusculaire.
L'instrument, que les chercheurs ont nommé IONAID (Intradermal Oscillating Needle Array Injection Device), serait relativement simple à manipuler et il causerait peu de douleur. Trois sujets à qui une solution saline a été administrée à l'aide de cet instrument ont jugé que la procédure provoquait une sensation comparable à une égratignure.
L'idée de se faire tatouer un vaccin peut sembler surréaliste, mais jusqu'à présent les résultats sont manifestement encourageants. Preuve que certains prennent la chose au sérieux, l'Université Laval et les chercheurs ont obtenu un brevet américain sur cette invention et une licence a été accordée à l'entreprise canadienne Inocuject, qui envisage d'en faire la mise au point et la commercialisation.