D'emblée, Adrian Monthony avertit que son parcours n'a rien de linéaire. «Vous voulez la version courte ou longue?», demande l'étudiant en visioconférence pour l'entrevue. Après ses études en Colombie-Britannique, puis en Ontario, il a jeté son dévolu sur Québec et l'Université Laval pour faire son doctorat en biologie végétale... et en français. Celui qui cherche à mieux comprendre la plante du cannabis fait partie des six étudiants de l'Université à avoir décroché une bourse Vanier.
Si Adrian Monthony se démarque par l'excellence de son dossier, son potentiel de recherche et son leadership, il s'investit en plus en matière d'équité, de diversité et d'inclusion dans le milieu scientifique. Mais commençons par le début, sa naissance aux États-Unis d'un père américain et d'une mère montréalaise.
Sa famille a immigré à l'Île-du-Prince-Édouard, où il a fait sa scolarité au primaire et au secondaire. Élevé dans une maison trilingue, il a fréquenté l'école francophone, sa mère d'origine italienne tenant à ce qu'il apprenne le français. À cette époque déjà, le jeune Adrian reçoit le Prix international du duc d'Édimbourg pour son engagement social et communautaire, le développement de ses aptitudes personnelles et sportives, et la réalisation d'un projet de voyage.
«Je n'ai pas voulu entrer immédiatement à l'université, poursuit-il. J'ai voulu voir ce qu'il y avait dans le monde.» Grâce au programme Rotary Youth Exchange, il refait une année de secondaire en Allemagne, ajoutant une quatrième langue à son registre.
Un amour pour les plantes
Entre-temps, Adrian Monthony s'inscrit en biochimie viticole à l'Université de la Colombie-Britannique, au campus de la vallée de l'Okanagan, à Kelowna. «J'ai toujours adoré les plantes, la chimie, la biochimie et j'adore la nourriture. Le vin marie tout ça.»
Malheureusement, à son retour d'Allemagne, le programme est annulé. Récipiendaire d'une bourse d'admission, il se replie sur un baccalauréat en biochimie et biologie moléculaire. «Et dans mes passe-temps, j'ai dégusté du vin», dit-il, bon joueur.
Désireux de se rapprocher de sa famille pour sa maîtrise, il atterrit à l'Université de Guelph, suivant les conseils de sa directrice de recherche, Susan Murch, dont un ancien étudiant est devenu professeur au Département d'agriculture. «Max Jones commençait un programme de recherche sur la culture in vitro du cannabis. C'est comme ça que j'ai débuté dans le domaine. Un monde fascinant, une plante pas encore très étudiée de façon rigoureusement scientifique», indique Adrian Monthony, rappelant que la légalisation du cannabis au Canada remonte seulement à 2018.
Pour son doctorat, il s'est joint à l'équipe du professeur Davoud Torkamaneh, dont les travaux ont fait l'objet d'un article dans ULaval nouvelles.
Le cannabis, explique le doctorant, fait partie des 5 à 10% d'espèces de plantes dites «dioïques», dont les fleurs mâles et femelles sont portées par des plantes différentes. «Ce qui est intéressant avec le cannabis, c'est qu'on peut avoir des plantes génétiquement femelles qui produisent des fleurs mâles, et l'inverse. Personne n'a encore vraiment exploré cette plasticité sexuelle.»
Il tentera d'élucider les facteurs qui ont une influence au niveau génétique, mais aussi épigénétique, soit les changements héréditaires causés par l'activation et la désactivation des gènes, sans altération de la séquence ADN.
L'une des hypothèses à l'étude: certains traitements chimiques, comme le gaz d'éthylène utilisé pour faire mûrir les bananes et les tomates, pourraient jouer un rôle dans ces changements. Pourquoi s'y intéresser? Parce que les fleurs femelles, qui produisent les cannabinoïdes, sont les seules que l'on consomme. «Et aussi parce que c'est fascinant d'un point de vue scientifique!»
L'étude du cannabis passionne Adrian Monthony. Il a publié cinq articles scientifiques, dont deux à titre d'auteur principal, durant sa maîtrise. «J'ai été très productif. Ça m'a sans doute aidé à avoir la bourse Vanier.»
Une visibilité pour la communauté LGBTQ+
L'étudiant chercheur s'implique aussi pour une cause qui lui tient à cœur, une juste représentation de la communauté LGBTQ+ dans son milieu. «Je suis un scientifique et je suis aussi gai. Ce n'est pas séparé, ça fait partie de mon identité. Nos expériences vécues ont un immense effet sur la façon dont on se pose des questions, dont on fait la science», dit-il en voulant partager son histoire et la rendre visible. «Je vois ça un peu comme un devoir», ajoute Adrian Monthony qui s'est déjà senti isolé et a eu du mal à trouver des modèles, des scientifiques comme lui.
Il est ainsi devenu représentant étudiant du comité d'équité, de diversité et d'inclusion de la Société canadienne de biologie végétale. Sur la plateforme Skype a Scientist, il partage avec des élèves son intérêt pour la recherche scientifique, tout en parlant de l'apport LGBTQ+ en science, en technologie, en ingénierie et en mathématiques.
Il se dit plein de gratitude envers ses directeurs et mentors qui, «à chaque étape, étaient là» pour son succès. Mais il a malheureusement connu des étudiants qui, une fois leur orientation sexuelle affichée, ont eu un traitement différent et se sont fait écarter d'articles scientifiques.
«C'est l'une des choses qui me motivent à rester en science, de pouvoir être éventuellement un directeur de recherche et de créer un environnement où les étudiants se sentiront capables de parler de leur conjoint ou de leur conjointe sans crainte.»
Les cinq autres récipiendaires d'une bourse d'études supérieures du Canada Vanier 2022 pour l'Université Laval sont Ludovick Bouthat (doctorat en mathématiques), Marie-Pier Champagne (doctorat en aménagement du territoire et développement régional), Jérémie Guilbert (doctorat en physique), Béatrice Ouellet (doctorat en sciences de la réadaptation) et Fatemeh Salarpour (doctorat en microbiologie-immunologie).
Corentin Lahouste (stage postdoctoral au Département de littérature, théâtre et cinéma) a, pour sa part, obtenu une bourse Banting 2022 pour l’Université Laval.