Les restaurants, hôtels et établissements scolaires ou hospitaliers seraient responsables de 13% du gaspillage alimentaire au Canada. Y aurait-il moyen de diminuer le volume des aliments qui finissent à la poubelle dans ces lieux de restauration, et conséquemment de réduire les coûts économiques et environnementaux associés à ce gaspillage? Certainement, conclut une équipe de l'Université Laval et de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ) qui s'est penchée sur la question.
L'étudiante-chercheuse Jade Lévesque et le professeur Sergey Mikhaylin, du Département des sciences des aliments, et la professeure Véronique Perreault, de l'ITHQ, tous rattachés à l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels et au GastronomiQc Lab, en ont fait la démonstration en utilisant le restaurant de l'ITHQ comme terrain d'étude. Pendant 7 jours, ils ont collecté et caractérisé les déchets alimentaires produits par ce restaurant gastronomique, qui reçoit en moyenne 110 clients par jour.
Les données montrent que 19% de la nourriture achetée par l'ITHQ finit à la poubelle; près de 70% de ce qui est jeté était comestible. «C'est dans la moyenne des restaurants, mais c'est tout de même un problème considérant la faible marge de profit en restauration et les répercussions environnementales de ce gaspillage», souligne Jade Lévesque, qui a présenté les résultats de cette étude lors du 89e Congrès de l'Acfas.
Au restaurant de l'ITHQ, les légumes représentent 58% des aliments gaspillés sur le plan du poids, mais ils comptent pour à peine 32% des coûts et pour moins de 15% des coûts environnementaux en matière de gaz à effet de serre (GES). Quant aux déchets des catégories viande et produits de la mer, ils représentent 19% du poids des aliments gaspillés, mais ils sont responsables de 54% des coûts et de 80% des GES. «C'est du côté des viandes et des produits de la mer qu'il faut investir les efforts», analyse la doctorante.
Dans un deuxième temps, l'équipe de recherche a évalué l'écoefficience de 20 stratégies de réduction du gaspillage alimentaire qui seraient applicables au restaurant de l'ITHQ. La modélisation de ces interventions à partir de données probantes montre que trois mesures ont de fortes retombées potentielles.
La première est la réduction du nombre de choix au menu. La seconde est la formation de tout le personnel de cuisine sur la prévention du gaspillage alimentaire. La troisième consiste à planifier l'utilisation des parties écartées lors de la préparation d'un plat dans d'autres plats prévus au menu de la semaine. «Par exemple, lorsqu'on prépare un tartare de bœuf, la couche extérieure de la viande est retirée en raison de sa coloration brunâtre. Au moment de la planification des menus, il faut penser à une façon d'utiliser cette viande dans un autre plat», explique Jade Lévesque.
Ces trois stratégies prioritaires à l'ITHQ ne sont pas généralisables à tous les restaurants, précise-t-elle toutefois. «Dans les restaurants de type familial, par exemple, une bonne partie du gaspillage provient de ce qui reste dans les assiettes. Ce n'est pas un problème en restauration gastronomique. Il faut donc bien cerner les sources du gaspillage alimentaire et proposer des solutions adaptées à chaque cas.»
Jade Lévesque poursuit son étude en interrogeant des restaurateurs sur les stratégies mises en place dans leur établissement pour réduire le gaspillage alimentaire. «Je veux documenter ces stratégies et connaître les facteurs qui ont facilité ou nui à leur adoption. Les résultats de nos travaux ne resteront pas dans la sphère universitaire. J'espère en tirer un guide pratique et le rendre accessible à tous les restaurateurs.»